Née des cendres d’une Zonda F Roadster accidentée au Qatar en 2010, la Pagani Zonda Uno incarne la capacité du constructeur italien à transformer un drame mécanique en chef-d’œuvre unique. Commandée par la famille royale qatarie, cette création one-off habillée d’un turquoise éclatant mêle le meilleur de la Cinque, de la Tricolore et de la Zonda R. Son histoire témoigne d’une philosophie rare dans l’automobile : celle de la résurrection comme art.
Une seconde vie après l’accident
De la Zonda F Roadster à l’Uno
L’histoire commence mal. En 2010, une Zonda F Roadster portant le numéro de châssis 103 subit un accident au Qatar. Le véhicule, livré en 2008 à la famille royale Al-Thani, revient à Modena dans un état qui aurait condamné n’importe quelle autre supercar à la casse.
Mais Pagani ne fonctionne pas comme les autres. Plutôt que de simplement réparer, l’équipe d’Horacio Pagani propose une renaissance totale. Le châssis endommagé devient l’opportunité de créer quelque chose d’inédit, un modèle unique qui portera le nom évocateur d’Uno (un, en italien).
Cette approche illustre parfaitement la mentalité artisanale du constructeur de Modena : chaque voiture mérite une seconde chance, à condition qu’elle devienne encore plus exceptionnelle.
Une commande royale
Le commanditaire de cette transformation n’est autre que Sheikh Abdullah bin Nasser Al-Thani, membre de la famille royale du Qatar et collectionneur automobile réputé. Sa signature visuelle ? Un turquoise éclatant, presque électrique, qui habille l’ensemble de sa collection.
Ce bleu « smurf » reconnaissable entre mille orne déjà sa Rolls-Royce Phantom, son Lamborghini Murciélago LP670-4 SV ou encore sa Koenigsegg CCXR. Pour l’Uno, le Sheikh exige la même teinte accompagnée d’accents noirs profonds.
Au-delà de la couleur, la demande porte sur une personnalisation technique poussée. L’Uno doit emprunter aux versions les plus radicales de la Zonda tout en conservant l’usage routier d’un roadster.
Ce qui rend la Zonda Uno unique
Un cocktail technique explosif
La Zonda Uno ne se contente pas d’un simple restylage. Pagani puise dans son catalogue de technologies pour créer une machine hybride au meilleur sens du terme.
Le châssis carbone-titane provient directement de la Zonda Cinque, cette édition limitée à cinq exemplaires qui avait repoussé les limites de la rigidité structurelle. Ce matériau composite offre une résistance exceptionnelle tout en limitant la masse.
Les éléments aérodynamiques empruntent à la Zonda R, la version piste radicale jamais homologuée pour la route. Diffuseur redéfini, extracteurs latéraux, chaque appendice travaille l’efficacité sans sacrifier l’élégance.
À l’avant, les LED diurnes rappellent celles de la Zonda Tricolore, l’hommage aux Frecce Tricolori livré juste avant l’Uno. Les feux arrière reçoivent un traitement fumé unique, tandis que les quatre sorties d’échappement adoptent une longueur réduite spécifique à ce modèle.
700 chevaux de rage italienne
Sous le capot arrière, le légendaire V12 AMG de 7,3 litres reçoit une préparation spéciale. Pagani pousse le bloc atmosphérique à 700 chevaux, soit 22 chevaux de plus que la Cinque déjà survitaminée.
Cette puissance brute s’accompagne d’un couple généreux et surtout d’une sonorité envoûtante. Le V12 atmosphérique hurle jusqu’à plus de 7 000 tr/min, offrant une montée en régime linéaire devenue rare à l’ère du turbo.
Grâce au châssis carbone-titane et à l’attention portée à chaque gramme, l’Uno maintient un poids contenu qui lui permet d’exploiter pleinement cette cavalerie. Le rapport poids/puissance rivalise avec les machines de course.
Une esthétique qui ne passe pas inaperçue
Impossible de rater une Zonda Uno dans la rue. Le turquoise métallisé qui recouvre la carrosserie frappe immédiatement le regard. Cette teinte audacieuse contraste radicalement avec le noir profond des accents.
Les jantes forgées noires arborent de fines bandes turquoise sur leur pourtour, créant un lien visuel avec la carrosserie lorsque la voiture roule. Les étriers de frein reprennent également ce bleu électrique.
Le diffuseur arrière bicolore mélange carbone apparent et turquoise, tandis que les sorties d’échappement trapues en titane ajoutent une touche de brutalité technique à l’ensemble.
Cette livrée assumée divise les passionnés. Certains y voient un manque de sobriété, d’autres saluent le courage d’oser dans un milieu souvent conservateur. Une chose est sûre : personne ne reste indifférent.
Le destin mouvementé de l’Uno
Première vie qatarie (2010-2011)
À sa livraison en 2010, la Zonda Uno arbore quelques détails supplémentaires. Des bandes aux couleurs italiennes courent le long des flancs, un clin d’œil aux origines du constructeur.
Un badge « Ting & Tiger » orne le bouclier arrière, référence personnelle du commanditaire. Les cerclages des feux arrière reprennent également les teintes du drapeau italien : vert, blanc, rouge.
Le diffuseur arrière reçoit initialement une peinture assortie à la carrosserie, avant d’être retravaillé en carbone noir en 2017.
Mais le Sheikh profite peu de sa création. Dès février 2011, soit quelques mois seulement après la livraison, la Zonda Uno est mise en vente sur le marché international pour 2,3 millions de dollars, approximativement son prix de construction.
Direction Shanghai (depuis 2013)
Un collectionneur chinois acquiert la machine en 2013 et la fait expédier à Shanghai. Ce nouveau propriétaire décide de personnaliser à son tour le véhicule, ajoutant des logos qui le représentent.
En 2017, plusieurs modifications esthétiques interviennent. Le badge « Ting & Tiger » disparaît, tout comme les cerclages tricolores des feux arrière. Le diffuseur passe du turquoise au carbone noir, assombrissant légèrement l’apparence générale.
La plaque commémorative intérieure, qui mentionnait initialement le nom du commanditaire d’origine, est également modifiée pour effacer cette référence.
Depuis son arrivée en Chine, l’Uno a été aperçue à plusieurs reprises lors de rassemblements exclusifs, souvent aux côtés d’autres hypercars exceptionnelles comme l’Aston Martin One-77 ou la Ferrari Enzo.
Pourquoi l’Uno fascine encore aujourd’hui
Un symbole de la philosophie Pagani
La Zonda Uno illustre parfaitement l’approche d’Horacio Pagani face à ses créations. Là où d’autres constructeurs auraient abandonné un châssis accidenté, Pagani y voit une page blanche.
Cette capacité à recréer plutôt que réparer témoigne d’une vision artisanale de l’automobile. Chaque voiture possède une âme qui mérite d’être préservée et sublimée, même après un traumatisme mécanique.
Les one-off Pagani ne sont pas de simples exercices de style marketing. Ils répondent toujours à une demande client spécifique et racontent une histoire singulière. L’Uno porte en elle le récit d’un accident, d’une renaissance et de deux vies distinctes sur deux continents.
Cette philosophie explique pourquoi Pagani continue de produire des Zonda seize ans après l’arrivée de leur remplaçante officielle, la Huayra. Tant qu’un client souhaite une Zonda unique, l’atelier de Modena répond présent.
Une place à part dans la saga Zonda
Contrairement à ce qu’annonçaient certaines sources en 2010, la Zonda Uno n’était pas « la dernière Zonda ». Depuis, une dizaine d’autres one-off ont vu le jour : 760 RS, 760 LH, Arrivederci, et plus récemment la Zonda Unico en 2025.
Mais l’Uno conserve un statut particulier dans cette galaxie d’exemplaires uniques. Elle reste l’un des rares cas documentés de reconstruction complète après accident. Les autres one-off partent généralement de châssis neufs ou de véhicules existants modifiés.
Sa livrée turquoise iconique la distingue également dans une lignée où dominent le carbone apparent, l’argent et le noir. Seule la Zonda HH en bleu Monterey rivalise en audace chromatique.
L’histoire de propriété ajoute une dimension supplémentaire : peu de Zonda ont connu une vie aussi mouvementée, passant d’un continent à l’autre, d’une personnalisation à une autre.
Fiche technique Pagani Zonda Uno
Moteur : V12 atmosphérique AMG 7,3 litres
Puissance : 700 chevaux
Châssis : Monocoque carbone-titane (type Cinque)
Transmission : Manuelle 6 rapports
Origine : Zonda F Roadster 2008 (châssis #103)
Année de reconstruction : 2010
Statut : One-off unique
Commanditaire initial : Sheikh Abdullah bin Nasser Al-Thani
Propriétaire actuel : Collectionneur anonyme (Shanghai)
Valeur estimée : 4 millions de dollars
Couleur : Turquoise métallisé avec accents noirs
Une légende turquoise qui traverse les époques
La Zonda Uno prouve qu’une supercar peut avoir plusieurs vies. Entre accident, reconstruction royale et exil asiatique, cette création turquoise reste l’un des témoignages les plus fascinants du savoir-faire Pagani. Un phénix italien qui continue d’enflammer les passionnés quinze ans après sa renaissance.

