Produite à seulement 25 exemplaires entre 2006 et 2009, la Pagani Zonda F Roadster incarne l’excellence artisanale italienne appliquée à l’hypercar. Hommage vibrant au légendaire pilote argentin Juan Manuel Fangio, cette version découvrable de la Zonda F représente l’aboutissement d’une philosophie où l’émotion mécanique pure l’emporte sur l’électronique. Avec son V12 AMG de 7,3 litres développant 650 chevaux et un poids contenu sous les 1 260 kg, elle reste aujourd’hui l’une des supercars analogiques les plus convoitées au monde.
Une genèse inspirée par une légende
Le lien entre Horacio Pagani et Juan Manuel Fangio dépasse la simple admiration. Le quintuple champion du monde de Formule 1, figure tutélaire du sport automobile argentin, a été un mentor pour le jeune designer lorsqu’il rêvait encore de créer sa propre marque automobile. C’est Fangio qui facilite d’ailleurs la précieuse collaboration entre Pagani et Mercedes-AMG, ouvrant la voie à l’utilisation des blocs V12 qui équiperont toutes les Zonda.
Présentée au Salon de Genève 2005, la Zonda F (pour Fangio) constitue la première évolution majeure de la lignée. Un an plus tard, en 2006, la version Roadster fait son apparition au même événement. À cette époque, l’industrie automobile bascule progressivement vers l’électronique embarquée et les aides à la conduite. La Zonda F Roadster fait figure de résistante, privilégiant la pureté mécanique et le dialogue direct entre le pilote et la machine.
Cette approche n’est pas un hasard. Elle honore la mémoire de Fangio, décédé en 1995, pilote d’une époque où seul le talent brut faisait la différence. Chaque Zonda F Roadster porte ainsi en elle l’esprit d’un âge d’or révolu.
Un V12 AMG qui hurle à 6 200 tr/min
Sous le capot de la Zonda F Roadster se cache un monstre de raffinement : le moteur Mercedes-AMG M120 de 7,3 litres. Contrairement à la version coupé de base affichant 602 chevaux, toutes les Roadster reçoivent d’office la spécification Clubsport qui porte la puissance à 650 chevaux à 6 200 tr/min.
Ce bloc atmosphérique à architecture en V développe un couple colossal de 780 Nm dès 4 000 tr/min, offrant une plage d’utilisation exceptionnellement large. Les ingénieurs ont revu les arbres à cames, les culasses, les collecteurs d’admission et d’échappement pour extraire cette puissance supplémentaire. Le système d’échappement en Inconel, un alliage utilisé en Formule 1 pour sa résistance thermique, produit une sonorité gutturale unique qui fait vibrer les carrosseries alentour.
Les performances parlent d’elles-mêmes. Le 0 à 100 km/h est expédié en 3,6 secondes, mais c’est surtout le 0 à 200 km/h en 9,8 secondes qui impressionne. La vitesse maximale dépasse allègrement les 345 km/h, un chiffre remarquable pour une voiture décapotable pesant à peine plus d’une tonne.
À 300 km/h, l’aérodynamique génère près de 600 kg d’appui au sol, répartis entre l’avant et l’arrière pour maintenir une stabilité optimale. Ce V12 reste l’un des derniers grands moteurs atmosphériques avant l’avènement du downsizing et de l’hybridation forcée.
Le défi technique du roadster
Retirer le toit d’une supercar représente toujours un défi structurel majeur. La rigidité torsionnelle diminue mécaniquement, et le poids augmente avec les renforcissements nécessaires. Pagani a relevé ce défi avec brio sur la F Roadster.
Le monocoque central entièrement en fibre de carbone offre une rigidité de départ exceptionnelle, ce qui facilite l’adaptation en version découvrable. Les sous-châssis avant et arrière en chrome-molybdène apportent une résistance supplémentaire. Un arceau de sécurité chromé, parfaitement intégré au design, protège les occupants en cas de retournement.
Malgré ces renforcissements, la Zonda F Roadster ne pèse que 30 kg de plus que le coupé, soit environ 1 260 kg à sec. Ce ratio poids/puissance de 515 chevaux par tonne en fait l’une des voitures les plus légères et performantes de son époque, surpassant même certaines rivales plus modernes.
Les suspensions Öhlins ajustables permettent d’adapter le comportement routier selon les préférences du pilote. Les freins carbone-céramique en option offrent une puissance d’arrêt phénoménale avec une résistance à l’échauffement incomparable. Les jantes en magnésium contribuent également à réduire les masses non suspendues, améliorant la réactivité et le confort.
Le panneau de toit amovible, fabriqué en carbone et toile, se range facilement, transformant instantanément le caractère de la voiture. À ciel ouvert, la symphonie du V12 envahit l’habitacle avec une intensité saisissante.
25 exemplaires pour marquer l’histoire
La rareté fait partie intégrante de l’ADN Pagani. La marque de San Cesario sul Panaro n’a jamais cherché la production de masse. Pour la Zonda F Roadster, seulement 25 unités ont été assemblées à la main entre 2006 et 2009, chacune portant une plaque numérotée dans l’habitacle.
Cette limitation volontaire s’inscrit dans la philosophie d’Horacio Pagani : chaque voiture doit être une œuvre d’art unique, travaillée avec le même soin qu’un instrument de précision suisse. La production artisanale exige du temps. Chaque exemplaire nécessite plusieurs mois de fabrication, avec des finitions entièrement personnalisables selon les désirs du client.
Contrairement au coupé F qui existait en version de base et Clubsport, toutes les Roadster reçoivent automatiquement la configuration Clubsport. Elles bénéficient donc du moteur porté à 650 chevaux, des suspensions renforcées, de l’échappement Inconel et des améliorations aérodynamiques.
Cette exclusivité renforce mécaniquement la cote de ces voitures. Chaque transaction devient un événement dans le microcosme des collectionneurs. Certains propriétaires n’ont jamais revendu leur exemplaire, accentuant encore la difficulté d’en acquérir une aujourd’hui.
Un habitacle artisanal d’exception
Pénétrer dans l’habitacle d’une Zonda F Roadster procure une expérience sensorielle unique. Chaque détail respire le travail manuel et l’attention portée aux matériaux. Le cuir, sélectionné parmi les peaux les plus fines, est cousu main par des artisans italiens héritiers d’une tradition séculaire.
Les surfaces alternent entre fibre de carbone apparente, aluminium poli et cuir souple, créant un contraste visuel saisissant. Le tableau de bord adopte une instrumentation d’inspiration horlogère, avec des cadrans circulaires au design précis et lisible. Chaque aiguille, chaque graduation semble avoir été dessinée par un maître horloger.
La boîte de vitesses manuelle à 6 rapports signée Cima constitue l’un des éléments les plus recherchés par les puristes. À une époque où les transmissions séquentielles commençaient à s’imposer (la Zonda Cinque qui suivra en sera équipée), la F Roadster reste fidèle au levier mécanique et à la pédale d’embrayage. Le pommeau métallique épouse parfaitement la paume, et chaque passage de rapport devient un rituel.
Le volant Nardi à méplat inférieur, revêtu de cuir, offre une prise ferme et directe. La position de conduite, légèrement décalée vers le centre pour optimiser l’aérodynamique, surprend au début mais devient rapidement naturelle. La visibilité, exceptionnelle pour une supercar grâce à la verrière panoramique en goutte d’eau, facilite le placement et inspire confiance.
Les rétroviseurs extérieurs, fixés sur de longues tiges organiques, rappellent l’esthétique des voitures de course des années 1960 tout en restant parfaitement fonctionnels. Chaque élément remplit une fonction précise, sans fioriture inutile.
La Zonda F Roadster face à ses rivales
En 2006, le marché des hypercars comptait quelques monuments : la Ferrari Enzo, la Porsche Carrera GT, la Mercedes SLR McLaren. Chacune représentait une approche différente de la performance ultime. La Zonda F Roadster se distinguait par son caractère profondément artisanal.
Là où Ferrari et Mercedes privilégiaient une approche semi-industrielle avec des volumes de production plus importants (respectivement 400 et 2 157 exemplaires), Pagani maintenait une fabrication confidentielle. La Carrera GT, avec son V10 issu de la compétition et sa boîte manuelle, partageait davantage la philosophie puriste de la Zonda, mais avec un langage esthétique radicalement différent.
La particularité de la Pagani réside dans cette capacité à fusionner l’exubérance latine et la précision technique germanique. Le V12 AMG apporte la fiabilité et la puissance, tandis que le châssis carbone italien offre légèreté et rigidité. Le tout enrobé dans un design qui emprunte autant aux prototypes du Mans qu’aux créations de science-fiction.
Les journalistes spécialisés la placent régulièrement dans la lignée des icônes absolues : Lamborghini Miura, Countach, Ferrari F40, McLaren F1. Ce panthéon très fermé accueille rarement de nouveaux membres. La Zonda y figure grâce à son authenticité, son refus des compromis et sa capacité à procurer des émotions brutes à une époque où l’électronique commençait à filtrer les sensations.
Valeur et statut de collection aujourd’hui
Le marché des hypercars rares a connu une inflation spectaculaire ces quinze dernières années. Une Zonda F Roadster qui se négociait autour de 500 000 euros à sa sortie atteint aujourd’hui des sommets vertigineux. Les transactions récentes situent la cote entre 5 et 7 millions d’euros selon l’historique, la configuration et le kilométrage.
Certains exemplaires, particulièrement bien documentés ou ayant appartenu à des personnalités, dépassent même ces estimations. La rareté intrinsèque (25 unités seulement) et le statut d’icône analogique contribuent à cette envolée. Dans un monde automobile dominé par l’hybridation et l’assistance électronique, ces pures mécaniques deviennent des témoins irremplaçables d’une époque révolue.
Le programme Rinascimento (Renaissance) lancé par Pagani permet aux propriétaires de faire restaurer leur Zonda par les mêmes artisans qui l’ont construite. Cette initiative, comparable au département Classiche de Ferrari, garantit l’authenticité et préserve la valeur patrimoniale. Chaque intervention est documentée, certifiée, et réalisée avec les matériaux d’origine.
Les collectionneurs considèrent la Zonda F Roadster comme une valeur refuge. Contrairement aux voitures de série produites en milliers d’exemplaires, ces 25 Roadster ne risquent pas de saturer le marché. Chaque revente fait l’objet d’une attention médiatique, preuve de l’aura persistante de ce modèle.
La récente multiplication des versions one-off basées sur la Zonda (plus de 35 créations uniques entre 2009 et 2024) témoigne de la longévité du concept et de l’attachement des clients fortunés à cette lignée. Horacio Pagani lui-même conserve précieusement son coupé F personnel, restauré par le programme Rinascimento et évalué à 7 millions d’euros.
L’héritage d’une époque analogique
La Pagani Zonda F Roadster cristallise un moment précis de l’histoire automobile : celui où la technologie carbone et les savoir-faire modernes rencontraient encore une approche purement mécanique de la performance. Aucune boîte séquentielle, aucun mode de conduite électronique, aucun système de vectorisation de couple. Juste un moteur atmosphérique colossal, une boîte manuelle, et un châssis capable d’encaisser toute cette violence.
Ce refus des compromis, cette fidélité à une vision artisanale de l’automobile d’exception, explique pourquoi ces 25 exemplaires occupent une place à part dans l’imaginaire des passionnés. Même après l’arrivée de la Huayra en 2011 puis de l’Utopia en 2022, la Zonda continue de fasciner. Les collectionneurs commandent encore des versions uniques basées sur cette plateforme vieille de plus de 25 ans, preuve que le temps n’a aucune prise sur sa désirabilité.
La Zonda F Roadster demeure ce qu’Horacio Pagani rêvait de créer : une sculpture mobile capable d’émotions intenses, une œuvre d’art fonctionnelle qui transcende sa condition d’objet mécanique. Un hommage sincère à Juan Manuel Fangio et à une époque où conduire vite exigeait talent, courage et sensibilité.

