Pagani Zonda F Clubsport : l’ultime Zonda F

La Pagani Zonda F Clubsport représente l’aboutissement d’une quête de perfection entamée en 1999. Cette version radicalisée de la Zonda F, produite entre 2006 et 2008, incarne l’essence même de ce qu’Horacio Pagani sait faire de mieux : transformer un moteur allemand et de la fibre de carbone en œuvre d’art roulante capable de rivaliser avec les meilleures supercars mondiales. Avec seulement 25 exemplaires produits et un record au Nürburgring qui a marqué son époque, ce modèle mérite qu’on s’y attarde.

Une évolution radicale de la Zonda F

Les origines : de la Zonda F à la Clubsport

La Zonda F voit le jour en 2005 comme un hommage direct à Juan Manuel Fangio, le pilote argentin quintuple champion du monde de Formule 1 qui avait conseillé Horacio Pagani lors de la création de la première Zonda. Le « F » de son nom ne laisse aucune ambiguïté. Fangio était décédé en 1995, mais son influence sur le projet Pagani reste indélébile.

La version Clubsport arrive un an plus tard, en 2006, comme une réponse aux clients qui réclament encore plus de performance et de radicalité. Pagani ne se contente pas d’un simple lifting : chaque détail est repensé pour extraire le maximum du concept. Cette Clubsport n’est pas une voiture de piste pure comme le sera plus tard la Zonda R, mais plutôt une Zonda F poussée dans ses derniers retranchements tout en restant homologuée pour la route.

L’objectif affiché ? Créer la Zonda la plus rapide, la plus légère et la plus affûtée avant l’arrivée d’une nouvelle génération. Une sorte de chant du cygne pour cette lignée qui a déjà prouvé qu’elle pouvait tenir tête aux Ferrari Enzo et Lamborghini Murciélago.

Les modifications techniques qui font la différence

Sous le capot, le V12 AMG de 7,3 litres gagne 48 chevaux par rapport à la Zonda F classique. On passe de 602 à 650 chevaux délivrés à 6 200 tr/min, avec un couple monstrueux de 780 Nm à 4 000 tr/min. Cette puissance supplémentaire provient d’une optimisation des collecteurs d’admission et d’un échappement en inconel (un alliage utilisé en aéronautique) qui réduit la contre-pression tout en produisant une sonorité encore plus brutale.

La carrosserie adopte un tissage de fibre de carbone Z-preg optimisé, plus rigide et plus léger que sur les versions précédentes. Pagani affine aussi la structure monocoque pour gagner quelques kilos précieux. Le poids à sec s’établit à 1 230 kg avec les freins carbone-céramique, soit un rapport poids/puissance exceptionnel de 1,89 kg par cheval.

L’aérodynamique fait l’objet d’un travail approfondi. Le diffuseur arrière est redessiné, l’aileron gagne en efficacité, et de nouvelles ouvertures permettent de mieux canaliser les flux d’air. Résultat : à 300 km/h, la Clubsport génère 600 kg d’appui au sol, répartis à 270 kg à l’avant et 330 kg à l’arrière. Ces chiffres placent la voiture dans une autre dimension en termes de stabilité à haute vitesse et de tenue en courbe rapide.

Les freins carbone-céramique sont montés de série, les jantes en magnésium forgé allègent les masses non suspendues, et la boîte manuelle à six rapports hérite d’un étagement optimisé pour exploiter pleinement la plage de puissance du V12.

Performances et exploit au Nürburgring

Des chiffres impressionnants

Les performances pures de la Pagani Zonda F Clubsport donnent le tournis. Le 0 à 100 km/h est expédié en 3,4 secondes selon certaines sources, d’autres avancent 3,6 secondes. La différence tient aux conditions de mesure et à la difficulté de dompter 650 chevaux avec une boîte manuelle et une propulsion arrière pure.

La vitesse maximale théorique dépasse les 345 km/h, certains essais ayant même enregistré 350 km/h en conditions optimales. Mais comme souvent avec les supercars italiennes de cette époque, les chiffres constructeur se heurtent à la réalité des tests indépendants. Les magazines allemands, réputés pour leurs mesures rigoureuses sur autoroute, ont enregistré des pointes légèrement inférieures, autour de 320-330 km/h en conditions réelles.

Ce qui impressionne davantage que la vitesse de pointe, c’est la violence des reprises. Le passage de 80 à 120 km/h prend 1,5 seconde. De 80 à 180 km/h, il faut seulement 5 secondes. Ces chiffres témoignent d’un couple phénoménal exploitable dès les bas régimes, caractéristique du gros V12 atmosphérique AMG.

Le chrono historique de 2008

En août 2008, la Zonda F Clubsport entre dans l’histoire en signant un temps de 7 minutes 24 secondes et 44 centièmes au tour du Nürburgring Nordschleife, aux mains du pilote allemand Marc Basseng. Ce chrono propulse la Pagani dans le top 10 mondial des voitures de série les plus rapides sur ce circuit mythique de 20,8 km.

À l’époque, ce temps place la Clubsport devant des références absolues : la Koenigsegg CCR, la Ferrari Enzo, la Bugatti Veyron ou encore la Lamborghini Murciélago LP640. Seules quelques rares machines font mieux, comme la Porsche Carrera GT ou certaines préparations radicales.

Ce qui rend cette performance encore plus remarquable, c’est le caractère relativement exploitable de la Clubsport. Contrairement à des voitures de piste homologuées route comme la Porsche GT2 RS de l’époque, la Pagani conserve un intérieur luxueux, une climatisation, un système audio et un minimum de confort. Elle prouve qu’on peut concilier artisanat italien, finitions d’exception et performances brutes dignes d’une GT de compétition.

Rareté et exclusivité

Une production ultra-limitée

Pagani n’a jamais cherché les volumes. La production totale de la Zonda F (coupé et roadster confondus, incluant les versions Clubsport) se limite à 25 exemplaires. Ce chiffre englobe les différentes déclinaisons : F standard, F Clubsport coupé et F Roadster Clubsport.

Aujourd’hui, on estime qu’il reste seulement 19 exemplaires non modifiés de Zonda F Clubsport dans le monde. Les autres ont été transformés par leurs propriétaires ou par l’atelier Pagani lui-même, souvent dans le cadre du programme de personnalisation qui permet aux clients fortunés de refondre totalement leur voiture selon leurs désirs. Certaines Zonda F sont devenues des one-off uniques avec des noms exotiques, à l’image de la Zonda 760 ou de la Zonda Cinque.

Cette rareté extrême transforme chaque Clubsport en pièce de collection. Identifier un exemplaire d’origine, avec ses spécifications de sortie d’usine, relève aujourd’hui de la chasse au trésor. Les numéros de châssis sont connus, les historiques suivis, et chaque voiture possède une identité propre.

De l’artisanat italien pur

Entrer dans une Zonda F Clubsport, c’est comprendre immédiatement pourquoi Pagani est considéré comme un artiste autant qu’un constructeur. L’habitacle mêle cuir rouge (couleur signature de nombreux exemplaires), fibre de carbone apparente et aluminium usiné avec une précision d’horloger suisse.

Le volant Nardi en bois précieux, fini à la main, rappelle les roadsters des années 1950. Le tableau de bord s’inspire de l’instrumentation des montres de luxe, avec des cadrans ronds cerclés d’aluminium et une police de caractères élégante. Chaque commande, chaque bouton, chaque détail respire la finition artisanale.

Les clients pouvaient choisir la finition de leur carrosserie : laque classique ou, plus radical, carbone nu en surface naturelle. Cette option, une première dans l’industrie automobile en 2005, permet de voir le tissage de la fibre sous un vernis transparent. Un choix esthétique qui souligne la philosophie de Pagani : la beauté naît de l’honnêteté des matériaux.

Chaque Zonda F Clubsport est unique. Les combinaisons de couleurs extérieures, les surpiqûres intérieures, les types de cuir, les finitions en carbone ou en aluminium varient selon les commandes. Pagani fabrique des voitures sur mesure, pas des produits industriels standardisés.

Valeur et cote actuelle

Une explosion de la valeur

En 2005, acquérir une Zonda F Clubsport neuve coûtait environ 650 000 euros pour le coupé, et 670 000 euros pour la version roadster. Un prix élevé, certes, mais cohérent avec les Ferrari Enzo ou Lamborghini Murciélago de l’époque, vendues entre 600 000 et 700 000 euros.

Vingt ans plus tard, la donne a radicalement changé. Une Zonda F Clubsport en bon état, avec historique complet et faible kilométrage, dépasse aujourd’hui les 10 millions d’euros. Certains exemplaires exceptionnels, comme celui vendu par DK Engineering en 2024 avec sa livrée Bianco Benny (blanc triple couche dédié à Benny Caiola, premier client de Pagani), atteignent des sommets.

Cette inflation vertigineuse, supérieure à 1 400% en moins de deux décennies, s’explique par plusieurs facteurs. La rareté extrême, l’aura de Pagani qui n’a cessé de grandir, le statut d’icône de la Zonda F dans l’histoire des supercars, et surtout la demande croissante des collectionneurs qui considèrent ces voitures comme des œuvres d’art autant que des machines.

Aucune Zonda F, quelle que soit sa version, ne se vend aujourd’hui sous la barre des 10 millions d’euros. Les versions ultimes comme la Zonda Cinque ou la Zonda R dépassent allègrement les 15 millions. Ce marché s’est totalement déconnecté des prix neufs initiaux.

Un collector recherché

Les exemplaires qui passent en vente publique sont rares. La plupart des Zonda F Clubsport restent dans des collections privées, parfois conservées dans des conditions climatiques contrôlées et sorties seulement pour quelques événements triés sur le volet.

Lorsqu’une Clubsport change de mains, c’est souvent via des courtiers spécialisés ou des ventes privées. Les maisons comme DK Engineering au Royaume-Uni, Bingo Sports au Japon ou quelques galeries suisses et allemandes sont les intermédiaires privilégiés pour ces transactions discrètes.

Le kilométrage moyen des Zonda F encore en circulation est ridiculement bas. Des exemplaires avec 1 000 à 3 000 km au compteur après 15 ans d’existence ne sont pas rares. Certains propriétaires les roulent davantage, comme cette Clubsport vendue en 2024 avec 12 900 km (un record pour le modèle), preuve qu’elle a été réellement utilisée.

Les acheteurs recherchent avant tout l’authenticité : spécifications d’origine, pas de modifications lourdes, historique limpide avec factures d’entretien chez Pagani ou dans des ateliers agréés. Un carnet complet et une traçabilité sans faille font grimper la valeur de plusieurs centaines de milliers d’euros.

Expérience de conduite : entre supercar et œuvre d’art

Un caractère accessible malgré la puissance

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, la Zonda F Clubsport n’est pas une brute inconduisible. Les témoignages de journalistes et propriétaires convergent : cette Pagani reste exploitable au quotidien, à condition d’accepter quelques compromis inhérents à toute supercar.

L’embrayage, bien que ferme, offre un point de patinage progressif. Il ne claque pas brutalement comme sur certaines Ferrari de piste. La boîte manuelle, avec ses six rapports courts et précis, demande de l’attention mais récompense le conducteur attentif. Pas de boîte robotisée capricieuse ici, juste une transmission mécanique pure qui demande du doigté.

La visibilité, étonnamment bonne pour une supercar aussi basse et effilée, facilite les manœuvres. Le capot plongeant et les rétroviseurs bien positionnés permettent de placer la voiture avec une relative confiance, même si la largeur de 2,05 mètres impose évidemment de la prudence en ville.

Le V12 AMG délivre sa puissance de façon linéaire. Pas d’effet turbo surprise, pas de coup de pied dans le dos imprévisible. La puissance monte crescendo avec les tours, accompagnée d’une symphonie mécanique qui reste l’un des plus beaux sons jamais produits par un moteur atmosphérique. Inconel, tubulure optimisée et douze cylindres en V créent une mélodie grave et rauque qui transforme chaque accélération en événement.

Performance pure vs raffinement artisanal

Accélérer franchement dans une Clubsport procure une sensation difficile à décrire. Le châssis carbone d’une rigidité extrême, la direction précise, le train avant qui mord dans l’asphalte : tout concourt à donner une impression de solidité et de connexion avec la route.

À haute vitesse, l’appui aérodynamique plaque littéralement la voiture au sol. Les 600 kg générés à 300 km/h transforment la dynamique. Les courbes rapides se négocient à des vitesses hallucinantes, la Pagani restant collée à sa trajectoire avec une stabilité rassurante. Le freinage, grâce aux disques carbone-céramique, est d’une puissance phénoménale : arrêter la voiture depuis 200 km/h prend seulement 4,4 secondes.

L’accélération latérale maximale atteint 1,4 g, un chiffre qui témoigne de l’efficacité du châssis et des pneumatiques. Les suspensions, calibrées fermes sans être insupportables, filtrent les imperfections tout en maintenant un contact permanent avec le bitume.

Mais ce qui distingue vraiment la Zonda F Clubsport d’une supercar moderne, c’est l’absence totale d’électronique intrusive. L’ABS et le contrôle de traction Bosch sont présents, mais discrets. Pas de modes de conduite avec vingt réglages différents, pas d’écrans tactiles, pas d’assistances qui gomment les erreurs. Le pilote est seul maître à bord, avec toute la responsabilité que cela implique.

Et pourtant, malgré cette radicalité mécanique, on n’oublie jamais qu’on est dans une Pagani. Le cuir somptueux, les détails en aluminium usiné, le volant Nardi en bois, la finition irréprochable : tout rappelle qu’on ne conduit pas une voiture de course déguisée, mais une GT capable d’emmener son propriétaire sur circuit le matin et à l’opéra le soir.

L’héritage d’une légende

La Pagani Zonda F Clubsport occupe une place unique dans l’histoire de l’automobile. Elle cristallise une époque où les supercars italiennes pouvaient encore se permettre d’être artisanales, exubérantes et dénuées de compromis. Avec son V12 atmosphérique de 7,3 litres, sa boîte manuelle et son châssis carbone affiné à la main, elle représente un idéal de pureté aujourd’hui disparu.

Les 25 exemplaires produits sont désormais des pièces de musée roulantes, jalousement conservées par des collectionneurs qui ont compris qu’ils possédaient un morceau d’histoire automobile. Quand on sait qu’Horacio Pagani fabriquait ces voitures dans un atelier à peine plus grand qu’un garage, avec une équipe d’artisans triés sur le volet, on mesure le caractère exceptionnel de chaque Clubsport.

Aujourd’hui, Pagani continue de produire des hypercars hors normes avec la lignée Huayra puis Utopia. Mais la Zonda F Clubsport reste ancrée dans les mémoires comme le dernier grand cri de la première génération, celle qui a imposé le nom Pagani au panthéon des constructeurs de supercars. Un hommage parfait à Juan Manuel Fangio, cet argentin exceptionnel qui avait compris que la vitesse ne suffisait pas : il fallait aussi de l’âme.

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