En 2010, alors que Pagani s’apprêtait à tourner la page Zonda pour laisser place à la Huayra, un client du Moyen-Orient a commandé une version totalement exclusive de l’hypercar italienne. La Pagani Zonda 750 est née de cette demande, devenant instantanément reconnaissable grâce à sa robe violette intense et ses modifications esthétiques audacieuses. Cette création unique illustre parfaitement la philosophie de Pagani : transformer chaque commande client en œuvre d’art roulante.
Une commande exclusive pour un client du Moyen-Orient
La genèse d’un projet sur mesure
La Zonda 750 voit le jour à un moment charnière de l’histoire de Pagani. En 2010, le constructeur de Modena annonce que la Zonda arrive en fin de production, mais continue de répondre aux demandes spécifiques de clients fortunés prêts à investir plusieurs millions pour obtenir une voiture strictement unique.
Un collectionneur anonyme du Moyen-Orient contacte alors Horacio Pagani avec une vision précise. Il souhaite une Zonda qui se distingue visuellement de toutes les autres, tout en conservant les performances ultimes de la lignée. Le projet démarre sur la base de la Zonda Cinque Roadster, limitée à cinq exemplaires, mais intègre suffisamment de modifications pour justifier une dénomination propre.
Cette approche des « one-off » n’est pas nouvelle chez Pagani. Avant la 750, le constructeur avait déjà créé la Zonda HH pour un entrepreneur américain et la Zonda Uno pour la famille royale du Qatar. Mais la 750 marque un tournant par son audace visuelle.
Pourquoi le nom « 750 » ?
La dénomination « 750 » fait l’objet de spéculations dès la révélation du projet. L’explication la plus plausible concerne la puissance mécanique : 750 chevaux, soit une augmentation substantielle par rapport aux 669 chevaux de la Zonda Cinque de série.
Cette puissance représente 100 chevaux supplémentaires par rapport à la Zonda F, et s’approche du niveau de la Zonda R, version piste non homologuée qui développe 740 chevaux. Pagani aurait ainsi préparé un moteur spécifique pour cette commande, poussant le V12 d’origine Mercedes-AMG dans ses derniers retranchements tout en conservant l’homologation route.
Certains observateurs ont émis l’hypothèse que « 750 » pourrait faire référence à autre chose, mais l’ensemble des modifications techniques et la cohérence avec la nomenclature Pagani valident la piste des 750 chevaux.
Un design qui ne passe pas inaperçu
La signature violette
Le premier élément qui frappe avec la Zonda 750, c’est évidemment sa teinte. Le client a opté pour un violet intense, presque magenta, qui recouvre l’intégralité de la carrosserie. Cette couleur tranche radicalement avec les teintes habituelles des supercars italiennes (rouge, noir, gris) et divise encore aujourd’hui les passionnés.
L’intérieur prolonge cette ambiance avec des garnitures assorties dans les mêmes tons violets. Les sièges baquets, le volant, les contre-portes et certains détails de finition reprennent cette couleur signature. L’ensemble crée une cohérence visuelle totale, un univers chromatique que seul un client ayant les moyens de commander une création unique peut se permettre.
Cette audace chromatique a suscité des réactions contrastées lors de la révélation du projet. Certains y voient un manque de sobriété, d’autres saluent le courage d’assumer une identité visuelle forte sur une voiture déjà exceptionnelle.
Des modifications esthétiques uniques
Au-delà de la peinture, la Zonda 750 intègre plusieurs modifications structurelles qui la distinguent de la Cinque dont elle dérive.
La plus visible reste la prise d’air centrale redessinée. Positionnée sur le toit et prolongée vers l’arrière, elle évoque une crête ou un « mohawk » selon les observateurs. Cette prise d’air n’est pas simplement décorative : elle alimente le moteur en air frais et contribue à l’aérodynamique de l’ensemble.
Pour intégrer cette prise d’air imposante, Pagani a dû redessiner la lunette arrière. La vitre est découpée différemment, créant une signature visuelle unique vue de trois quarts arrière. Cette modification technique devient ainsi un élément distinctif immédiatement reconnaissable.
Le diffuseur arrière a également été agrandi et repensé. Plus imposant que celui de la Cinque standard, il améliore la gestion des flux d’air sous le véhicule et renforce l’appui aérodynamique à haute vitesse. Les sorties d’échappement centrales émergent de ce diffuseur surdimensionné, accentuant l’impression de puissance brute.
L’ensemble de ces modifications, combinées à la peinture violette, fait de la Zonda 750 une voiture impossible à confondre avec une autre Zonda, même pour un œil non averti.
Performances et caractéristiques techniques
Le V12 Mercedes-AMG poussé à 750 chevaux
Sous le capot arrière se cache le cœur battant de la Zonda 750 : un moteur V12 de 7,3 litres développé par Mercedes-AMG mais profondément retravaillé par les ingénieurs de Pagani. Ce bloc atmosphérique délivre une puissance estimée à 750 chevaux à 8 000 tr/min et un couple de 710 Nm (524 lb-ft).
Ces chiffres représentent une évolution significative par rapport à la Zonda F (650 chevaux) et même par rapport à la Cinque standard (669 chevaux). Pour atteindre ce niveau de performances, Pagani a optimisé l’admission d’air, modifié l’échappement et ajusté la cartographie moteur. Le système d’échappement, réalisé en Inconel 625 et traité céramique, contribue non seulement aux performances mais aussi à la signature sonore légendaire de la Zonda.
Le moteur est boulonné directement au châssis, une solution empruntée à la compétition qui améliore la rigidité structurelle et la réactivité. L’accélérateur mécanique (par câble) garantit une réponse instantanée à la moindre sollicitation de la pédale.
Avec cette puissance, la Zonda 750 est capable d’abattre le 0 à 100 km/h en environ 3 secondes et de poursuivre jusqu’à une vitesse maximale dépassant les 350 km/h. Les reprises sont fulgurantes à tous les régimes, le V12 atmosphérique délivrant une montée en puissance linéaire sans le moindre temps mort.
La base Cinque
La Zonda 750 conserve l’architecture de la Cinque Roadster, l’une des versions les plus abouties de la lignée. Le châssis est une monocoque en fibre de carbone-titane d’une rigidité exceptionnelle, pesant seulement 70 kg. Un sous-châssis arrière en aluminium supporte le V12 et la transmission.
La boîte de vitesses est une transmission séquentielle Xtrac à six rapports avec carter en magnésium. Le système AMT (Automated Manual Transmission) développé avec Automac Engineering permet des changements de rapport en 20 millisecondes via les palettes au volant. La précision et la brutalité des passages de vitesses participent au caractère affirmé de la voiture.
Les suspensions reprennent le schéma à triangles superposés avec biellettes tirées et amortisseurs Öhlins réglables. Le système de contrôle de traction Bosch Motorsport à 12 positions permet d’adapter le comportement selon les conditions et le niveau d’intervention souhaité. L’ABS peut également être modulé ou désactivé pour les pilotes expérimentés.
Les freins sont des disques carbone-céramique Brembo, dimensionnés pour stopper la voiture de 200 km/h en moins de 5 secondes. L’équilibre aérodynamique génère jusqu’à 1,45 g d’accélération latérale en virage, un chiffre digne d’une monoplace de compétition.
La Zonda 750 dans l’histoire de Pagani
L’un des derniers exemples d’une lignée mythique
En 2010, lorsque la Zonda 750 est dévoilée, Pagani annonce officiellement la fin imminente de la production de la Zonda. Le successeur désigné, la Huayra, doit prendre le relais et ouvrir un nouveau chapitre. Dans ce contexte, la 750 apparaît comme l’une des ultimes créations basées sur la plateforme qui a fait la renommée du constructeur depuis 1999.
Elle rejoint un cercle très fermé de one-off créés sur demande spécifique. Avant elle, la Zonda HH avait été livrée à David Heinemeier Hansson, entrepreneur américain dans le logiciel, et la Zonda Uno à la famille royale du Qatar. Après elle, Pagani continuera paradoxalement à produire des Zonda uniques pendant plus d’une décennie.
Ce qui devait être la fin s’est transformé en épilogue interminable. Entre 2010 et 2024, Pagani a créé plus de 35 exemplaires uniques de la Zonda, souvent désignés par leur numéro de châssis tant chacune est différente. Beaucoup portent le nom « 760 », référence à une nouvelle évolution du moteur 7,3 litres atteignant 750 à 760 chevaux.
La Zonda 750 de 2010 a en quelque sorte ouvert la voie à cette pratique devenue signature de la marque. Elle prouve qu’un client fortuné peut obtenir bien plus qu’un simple choix de couleur : une voiture entièrement repensée selon ses désirs.
Une stratégie gagnante pour Pagani
Cette approche des commandes ultra-personnalisées s’est révélée cruciale pour la pérennité de Pagani. Contrairement aux grands constructeurs qui produisent en série, même limitée, Pagani a fait du sur-mesure son modèle économique.
Chaque one-off est facturé plusieurs millions d’euros et permet à l’atelier de Modena de maintenir son activité tout en conservant son caractère artisanal. Harry Metcalfe, journaliste britannique et propriétaire d’une Zonda, rapporte que chez Pagani, on identifie les voitures par leur numéro de châssis plutôt que par leur nom de modèle tant elles sont uniques.
Cette relation étroite entre Horacio Pagani et ses clients explique pourquoi la Zonda refuse de mourir. Tant qu’un collectionneur est prêt à financer une nouvelle version, l’équipe de Pagani accepte le défi. La dernière en date, la Zonda Arrivederci (littéralement « au revoir »), a été livrée en 2024, soit 25 ans après le premier exemplaire présenté au salon de Genève 1999.
La Zonda 750 s’inscrit donc dans une tradition qui a permis à Pagani de devenir l’un des rares constructeurs artisanaux à avoir survécu et prospéré face aux géants de l’industrie automobile.
Valeur et rareté aujourd’hui
Un objet de collection inestimable
Estimer la valeur actuelle de la Pagani Zonda 750 relève de l’exercice spéculatif. Cette voiture n’a jamais été revendue publiquement depuis sa livraison au client du Moyen-Orient. Elle reste dans une collection privée, hors du marché.
Pour donner un ordre d’idée, une Zonda C12S Roadster de 2004, repeinte en rose et modifiée aux spécifications F, s’est vendue aux enchères pour plus de 515 000 dollars en 2021. Cette voiture, bien que personnalisée, n’atteignait pas le degré d’exclusivité et de performances de la 750.
Les rares Zonda qui passent en vente publique franchissent systématiquement le million d’euros, et les versions les plus exclusives dépassent largement cette barre. La Zonda 760 de Lewis Hamilton, par exemple, est estimée à plusieurs millions compte tenu de son propriétaire célèbre et de ses spécifications uniques.
La Zonda 750, avec son statut de création totalement unique, sa puissance exceptionnelle et son design immédiatement reconnaissable, vaudrait probablement entre 3 et 5 millions d’euros si elle venait à être mise en vente. Mais ce scénario reste improbable : les propriétaires de telles pièces les conservent généralement à vie.
L’héritage de la 750
Au-delà de sa valeur financière, la Zonda 750 a laissé une empreinte durable dans l’univers des supercars. Elle est l’une des Zonda les plus facilement identifiables, même sur une simple photographie, grâce à sa couleur violette unique.
Son nom a également influencé les créations suivantes. Plusieurs one-off produits après 2010 portent la désignation « 760 », faisant référence à un moteur développant environ 750 à 760 chevaux. La 750 a en quelque sorte établi un nouveau palier de puissance pour les Zonda atmosphériques homologuées route.
Dans la culture des passionnés, elle incarne le fantasme ultime : commander une supercar entièrement personnalisée, du moteur à la peinture, auprès d’un constructeur capable de réaliser cette vision sans compromis. Peu de marques offrent ce niveau de flexibilité, et encore moins avec le savoir-faire artisanal de Pagani.
La Zonda 750 reste aujourd’hui un symbole de ce qui rend Pagani unique dans l’industrie automobile. Là où d’autres produisent en série, même limitée, Pagani continue de traiter chaque voiture comme une pièce unique. Cette philosophie, illustrée parfaitement par la 750 et sa robe violette audacieuse, explique pourquoi la Zonda refuse de disparaître et pourquoi Horacio Pagani continue d’accepter des commandes pour cette plateforme vieille de plus de 25 ans. Chaque client obtient exactement la voiture qu’il imagine, et c’est précisément cette promesse qui fait la force du constructeur de Modena.

