En décembre 2020, Pagani dévoilait la Huayra Tricolore, un hommage spectaculaire aux 60 ans des Frecce Tricolori, la prestigieuse patrouille acrobatique de l’armée de l’air italienne. Limitée à trois exemplaires seulement, vendue plus de 6 millions d’euros pièce, cette hypercar incarne la fusion parfaite entre aéronautique et automobile. Avec ses 840 chevaux et son design inspiré des avions de chasse, elle représente la Huayra la plus puissante jamais produite par le constructeur de San Cesario sul Panaro.
Un hommage aérien incarné dans une voiture
Les Frecce Tricolori, inspiration nationale
Les Frecce Tricolori (littéralement « Flèches Tricolores ») constituent l’une des patrouilles acrobatiques les plus célèbres au monde. Fondée le 1er mars 1961 sur la base militaire de Rivolto, cette unité de l’armée de l’air italienne est officiellement désignée comme le 313e Groupe d’Entraînement Acrobatique.
Dix Aermacchi MB-339A composent la formation : neuf volent en groupe serré, un dixième évolue en solo pour les figures les plus spectaculaires. Depuis plus de six décennies, ces pilotes d’élite dessinent le drapeau italien dans le ciel lors de démonstrations qui allient précision millimétrique, discipline et sens du collectif.
Pour Horacio Pagani, fondateur et directeur artistique de Pagani Automobili, les Frecce Tricolori incarnent des valeurs essentielles : la détermination, l’excellence technique et la capacité à se surpasser. En 2020, année éprouvante pour l’Italie, célébrer ce symbole d’unité nationale prenait un sens particulier.
Une tradition chez Pagani
Ce n’est pas la première fois que Pagani rend hommage à la patrouille italienne. En 2010, pour les 50 ans des Frecce Tricolori, le constructeur avait dévoilé la Zonda Tricolore, également produite à trois exemplaires. Devenue aujourd’hui l’une des Zonda les plus recherchées par les collectionneurs, elle s’échangeait à l’époque autour de 1,47 million d’euros.
Dix ans plus tard, la Huayra Tricolore poursuit cette tradition avec une approche encore plus radicale, tant sur le plan esthétique que technique. Le prix a lui aussi évolué : comptez désormais 5,5 millions d’euros hors taxes, soit environ 6,7 millions de dollars. Une multiplication par quatre qui reflète l’évolution du marché des hypercars ultra-exclusives.
Design et aérodynamisme : quand l’avion inspire la voiture
Une livrée tricolore immédiatement reconnaissable
La Huayra Tricolore ne passe pas inaperçue. Sa carrosserie en carbone bleu translucide constitue la toile de fond d’une livrée spectaculaire : les bandes rouge, blanc et vert du drapeau italien s’étirent le long des flancs, depuis l’avant jusqu’aux feux arrière, comme un flux d’air impétueux.
Chaque détail visuel évoque l’univers aéronautique. Les jantes monoblocs en alliage d’aluminium forgé rappellent la forme d’une turbine d’avion. Les supports de l’aileron arrière reproduisent fidèlement l’empennage du MB-339A, avec même les numéros de série inscrits dans la typographie utilisée par la patrouille.
Sur le capot avant trône un tube de Pitot, cet instrument aéronautique normalement réservé aux avions pour mesurer la vitesse de l’air. Ici, il n’est pas qu’un élément décoratif : il alimente réellement l’anémomètre placé au centre de l’habitacle. Les cadres des prises d’air latérales et des phares avant, usinés dans la masse puis anodisés, ajoutent une touche d’aluminium aérospatial bleuté.
Aérodynamisme poussé à l’extrême
La Tricolore n’est pas qu’une Huayra habillée aux couleurs italiennes. Pagani a entièrement repensé son aérodynamique pour atteindre de nouveaux sommets de performance.
À l’avant, un splitter plus prononcé avec un profil aérodynamique inédit génère un appui supplémentaire. Le nouveau bouclier intègre des extracteurs latéraux qui maximisent l’efficacité de l’échangeur air-air et garantissent un refroidissement optimal du V12 biturbo, même lors de sollicitations extrêmes.
La prise d’air dorsale constitue l’élément le plus spectaculaire. Cette excroissance positionnée sur le toit, absente sur les Huayra standard, canalise un flux d’air froid massif directement vers le moteur. Son dessin rappelle visuellement les lignes tendues des avions de la patrouille, tout en servant une fonction précise : alimenter le V12 affamé en oxygène.
À l’arrière, l’aileron forme désormais une seule pièce de carbone avec le capot moteur, assurant un équilibre aérodynamique parfait pour compenser l’augmentation de l’appui à l’avant. Le diffuseur a lui aussi été optimisé pour extraire l’air circulant sous le plancher avec une efficacité maximale.
Résultat : une voiture capable de générer un appui considérable sans pénaliser la vitesse de pointe, tout en maintenant une stabilité exemplaire dans toutes les conditions.
Performances et technique : 840 ch au service de la légèreté
Le V12 Mercedes-AMG porté à son paroxysme
Au cœur de la Huayra Tricolore bat un moteur d’exception : le V12 biturbo 6.0 litres développé exclusivement pour Pagani par Mercedes-AMG. Cette version représente l’évolution la plus aboutie jamais montée sur une Huayra de route.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 840 chevaux (618 kW) délivrés à 5 900 tr/min et 1 100 Nm de couple disponibles entre 2 000 et 5 600 tr/min. Une plage d’utilisation exceptionnellement large qui offre une réponse instantanée à l’accélérateur, quelle que soit la vitesse.
Ce V12 à 60 degrés et 36 soupapes bénéficie d’une lubrification à carter sec, permettant de positionner le moteur plus bas et d’abaisser le centre de gravité. Le vase d’expansion est monté directement sur le bloc pour éliminer tubes et raccords superflus, économisant ainsi chaque gramme.
La Tricolore devient ainsi la Huayra la plus puissante jamais commercialisée, dépassant même la radicale Imola et ses 838 chevaux.
Châssis et matériaux : allier rigidité et légèreté
L’obsession de la légèreté traverse chaque projet Pagani depuis les origines. Sur la Tricolore, cette quête atteint un niveau inédit grâce à l’utilisation de matériaux composites de dernière génération.
Le monocoque fait appel au Carbo-Titanium HP62 G2 et au Carbo-Triax HP62, des matériaux développés spécifiquement pour améliorer la rigidité en torsion et en flexion. Ces composites offrent une réponse dynamique supérieure lors de la conduite et garantissent une sécurité accrue dans les situations critiques.
Les sous-châssis avant et arrière restent en acier tubulaire pour absorber les impacts. Malgré tous les équipements aérodynamiques supplémentaires, la Tricolore affiche un poids à sec de seulement 1 270 kg. Un chiffre remarquable pour une hypercar de cette puissance.
La transmission s’appuie sur une boîte séquentielle Xtrac 7 rapports à simple embrayage, disposée en position transversale. Ce choix peut surprendre à l’heure des boîtes double embrayage, mais il s’explique : cette configuration est 35 % plus légère qu’une DCT équivalente. Elle réduit aussi drastiquement l’inertie polaire, limitant la tendance naturelle au survirage des voitures à moteur central arrière.
L’embrayage tri-disque ultra-léger, le différentiel électromécanique et le système de couplage tripode issu de la compétition minimisent les pertes de friction entre la boîte et les roues arrière. L’ensemble pèse 4 kilos de moins que les unités bi-disques précédentes, tout en garantissant des passages de rapports plus vifs.
Un comportement affûté pour la route et le circuit
Les suspensions de la Tricolore utilisent une architecture à doubles triangles indépendants en alliage d’aluminium forgé. Leur géométrie a été spécifiquement calculée pour transférer efficacement les 840 chevaux au sol, tout en réduisant les effets de plongée au freinage et de roulis en virage.
Les amortisseurs à contrôle électronique sont interconnectés avec l’aérodynamique active. Ce dialogue permanent entre suspension et aileron mobile permet d’adapter en temps réel le comportement de la voiture selon les conditions de conduite.
Les freins carbone-céramique Brembo assurent un freinage puissant et endurant. À l’avant, des disques ventilés de 398 x 36 mm mordus par des étriers monoblocs 6 pistons. À l’arrière, des disques de 380 x 34 mm avec étriers 4 pistons.
Les jantes mesurent 20 pouces à l’avant et 21 pouces à l’arrière, chaussées de Pirelli P Zero Trofeo R semi-slicks : 265/30 R20 devant, 355/25 R21 derrière. Ces pneumatiques ultra-performants offrent un grip maximal, au prix d’une usure rapide et d’une sensibilité aux conditions climatiques.
Intérieur : dans le cockpit d’un avion de chasse
Une ambiance inspirée du MB-339A
Ouvrir les portes papillon de la Huayra Tricolore révèle un habitacle qui transpose l’univers aéronautique dans l’automobile. Le choix chromatique blanc et bleu fait directement référence à l’intérieur de la Zonda Tricolore de 2010, créant une continuité esthétique entre les deux hommages.
Les sièges baquets affichent une livrée bicolore avec des inserts de cuir blanc, rouge et vert disposés en bandes tricolores. L’emblème des Frecce Tricolori apparaît gravé sur la boucle de ceinture quatre points et brodé avec finesse sur les appuie-tête, rappelant constamment l’inspiration du projet.
Tous les composants en aluminium proviennent d’alliages de grade aérospatial, usinés dans la masse puis anodisés dans ce bleu caractéristique. Le pommeau de levier de vitesses illustre parfaitement cette approche : taillé dans un bloc unique d’aluminium et de carbone via un centre d’usinage 5 axes, il est ensuite poli à la main avant de recevoir un traitement transparent spécial.
Même les tapis de sol adoptent une construction en matériaux composites pour économiser quelques grammes supplémentaires. Chaque détail, aussi infime soit-il, participe à la quête de légèreté sans compromettre la qualité perçue.
L’assemblage des matériaux crée un contraste visuel saisissant : le carbone apparent côtoie l’aluminium bleuté, le cuir blanc contraste avec les surpiqûres tricolores, et le tout baigne dans une atmosphère qui évoque autant l’atelier d’un artisan joaillier que le cockpit d’un appareil militaire.
L’anémomètre central, détail signature
Au centre de la console trône un cadran qui n’existe sur aucune autre automobile : un anémomètre connecté au tube de Pitot monté sur le capot avant.
Cet instrument mesure la vitesse de l’air traversant la voiture, exactement comme sur un avion. Si son utilité pratique reste limitée en conduite routière, sa présence symbolise parfaitement la philosophie du projet : transposer l’univers aéronautique dans une hypercar sans compromis.
Le propriétaire peut ainsi surveiller non seulement sa vitesse GPS, mais aussi la vitesse de l’air ambiant, créant une expérience sensorielle unique qui rappelle en permanence le lien entre la Tricolore et les avions qu’elle célèbre.
Trois exemplaires, trois numéros symboliques
Comme pour la Zonda Tricolore avant elle, Pagani a choisi de produire exactement trois exemplaires de la Huayra Tricolore. Mais cette limitation ne relève pas du hasard : elle répond à une logique narrative profonde.
Chaque voiture porte un numéro qui correspond à un rôle précis au sein de la patrouille des Frecce Tricolori :
Numéro 0 – Le Commandant : il dirige l’ensemble de la patrouille depuis le sol. C’est lui qui coordonne la planification des missions, supervise les entraînements et valide les figures acrobatiques. Le onzième membre de la patrouille, celui qui orchestre sans voler.
Numéro 1 – Le Chef de Patrouille : le pilote de tête qui mène la formation pendant toutes les manœuvres acrobatiques. Ses commandes dictent le rythme de la démonstration. Les neuf autres pilotes volent en référence à sa position.
Numéro 10 – Le Soliste : celui qui se détache du groupe pour réaliser les figures les plus spectaculaires en solo. Sa mission consiste à démontrer les hautes performances de l’appareil tout en respectant les timings précis avec la formation principale.
Chaque propriétaire hérite ainsi non seulement d’une hypercar ultra-exclusive, mais d’un rôle symbolique qui le relie à l’histoire et aux traditions des Frecce Tricolori.
Le numéro 10, surnommé « Il Soloist », possède une histoire particulière : il s’agit du seul exemplaire importé aux États-Unis et il a été utilisé lors du tournage du film Fast X sorti en 2023. On peut l’apercevoir garé devant la maison de Dominic Toretto dans une scène du film.
Prix, disponibilité et positionnement
La Pagani Huayra Tricolore affichait un prix de départ de 5,5 millions d’euros hors taxes, soit environ 6,7 millions de dollars. Ce tarif la positionne parmi les Huayra les plus onéreuses jamais produites, juste derrière la Codalunga et ses versions Speedster.
Pour mettre ce chiffre en perspective : la Zonda Tricolore de 2010 se négociait autour de 1,47 million d’euros. En dix ans, le prix d’une édition spéciale Pagani a été multiplié par près de quatre, reflétant l’évolution spectaculaire du marché des hypercars ultra-exclusives.
Les trois exemplaires ont tous trouvé acquéreur avant même la fin de la production. Rien d’étonnant : le carnet de commandes de Pagani affiche généralement plusieurs années d’attente, et les éditions limitées à trois unités seulement se vendent systématiquement avant leur présentation publique.
Dans la hiérarchie des variantes Huayra, la Tricolore occupe une place particulière. Elle se base sur la plateforme du Roadster BC, plus radicale que la Huayra standard, mais adopte une configuration unique sans toit amovible, avec cette prise d’air dorsale caractéristique.
Lors de sa présentation en décembre 2020, elle détenait le titre de Huayra la plus puissante jamais produite avec ses 840 chevaux, dépassant légèrement l’Imola (838 ch) dévoilée quelques mois auparavant. Depuis, d’autres versions sont apparues, mais la Tricolore conserve son statut d’icône grâce à son exclusivité et son hommage culturel unique.
Une œuvre d’art roulante
La Pagani Huayra Tricolore incarne bien plus qu’une simple déclinaison d’un modèle existant. Elle représente la capacité de Pagani à transformer un hommage culturel en prouesse technique et artistique.
Chaque élément raconte une histoire : les bandes tricolores qui parcourent la carrosserie, les supports d’aileron sculptés comme des empennages d’avion, l’anémomètre fonctionnel, les numéros symboliques gravés sur chaque exemplaire. L’ensemble compose une symphonie de détails où l’ingénierie aéronautique dialogue avec l’artisanat automobile italien.
Limitée à trois unités, vendue avant même d’être terminée, exhibée sur les pistes italiennes aux côtés des avions qu’elle célèbre, la Tricolore appartient déjà à l’histoire. Une hypercar aussi rare qu’extrême, conçue pour rejoindre les plus belles collections tout en conservant une vocation routière assumée. Chez Pagani, l’art et la science ne font qu’un.

