La Pagani Huayra Codalunga représente l’un des projets les plus ambitieux et exclusifs jamais signés par le constructeur italien. Limitée à seulement 5 exemplaires vendus 7 millions d’euros pièce, cette hypercar au design allongé s’inspire directement des bolides long-tail qui ont marqué l’histoire des 24 Heures du Mans dans les années 60. Derrière cette silhouette épurée se cache un V12 biturbo de 840 chevaux et une philosophie qui pousse l’obsession du détail jusqu’à ses dernières limites. Plongée dans l’univers d’une voiture qui incarne l’excellence automobile à l’état pur.
Pagani Huayra Codalunga : une demande client devenue légende
Tout commence en 2016, lorsque deux collectionneurs passionnés frappent à la porte d’Horacio Pagani avec une requête inhabituelle. Ils rêvent d’une version long-tail de la Huayra Coupé, une interprétation moderne des mythiques voitures de course à queue allongée qui ont écrit les plus belles pages de l’endurance automobile.
Le projet est confié à la division Grandi Complicazioni, l’équipe dédiée aux créations sur mesure chez Pagani. Cette structure fonctionne comme les carrossiers italiens des années 60 : chaque voiture est pensée, dessinée et construite en étroite collaboration avec le client, tout en respectant les normes d’homologation modernes les plus strictes.
Il faudra deux années complètes de développement pour aboutir au résultat final. Deux maquettes sont réalisées : une à l’échelle 1:4 et une grandeur nature, permettant d’affiner chaque ligne, chaque courbe, chaque détail avec le client. La philosophie de conception s’inspire directement de Léonard de Vinci, figure tutélaire d’Horacio Pagani : l’art et la science doivent coexister en parfaite harmonie.
Le nom retenu pour ce projet ? Codalunga, qui signifie littéralement « longue queue » en italien. Un clin d’œil direct aux prototypes de course qui ont fasciné le monde entier il y a plus de 60 ans.
Qu’est-ce qu’une « Codalunga » et pourquoi ce nom ?
Le terme « Codalunga » fait référence aux voitures de compétition à queue allongée qui ont dominé les circuits d’endurance dans les années 60, notamment aux 24 Heures du Mans. Ces bolides se caractérisaient par une carrosserie étirée vers l’arrière, conçue pour améliorer l’aérodynamisme et gagner en vitesse de pointe sur les longues lignes droites du circuit de la Sarthe.
Parmi les modèles emblématiques de cette époque, on trouve la Porsche 917 Long Tail, la Ferrari 512 S ou encore la Lola T70. Toutes partageaient cette obsession de la ligne pure, épurée, fluide. Pas de fioritures, pas d’appendices superflus. Juste une silhouette dessinée par le vent et la quête de performance.
Horacio Pagani, fervent admirateur de ces machines, a toujours été fasciné par cette philosophie du « moins, c’est plus ». Pour la Codalunga, il explique avoir voulu créer une voiture « caressée et modelée par le vent », avec des lignes encore plus élégantes que le coupé de base. Le défi n’était pas d’ajouter, mais d’enlever. Simplifier sans sacrifier l’essence du design.
Un design allongé et épuré, jusqu’à l’obsession
36 cm de plus pour une silhouette inédite
La Pagani Huayra Codalunga mesure exactement 360 mm de plus que la Huayra Coupé standard. Cette extension se concentre principalement sur l’arrière du véhicule, où le capot moteur s’étend sur une surface impressionnante de 3,7 m².
Cette modification n’est pas qu’esthétique. Elle permet d’optimiser les flux d’air, d’améliorer le refroidissement du moteur et de créer une signature visuelle unique. La voiture semble glisser sur la route, comme suspendue dans un mouvement perpétuel. Chaque ligne a été pensée pour guider l’air naturellement, sans forcer, sans brutalité.
Le résultat ? Une silhouette d’une fluidité rare, à la fois racée et élégante, qui rappelle effectivement les prototypes de course des années 60 tout en affichant une modernité évidente.
Des détails qui changent tout
Au-delà de la longueur, la Codalunga se distingue par plusieurs modifications visuelles majeures. Les phares avant adoptent une configuration à double optique, abandonnant le quadruple éclairage caractéristique de la Huayra classique. Ce choix confère au regard de la voiture une allure plus sobre, plus déterminée.
À l’arrière, autre rupture notable : l’absence totale de grilles. Cette décision audacieuse offre une vue dégagée sur le système d’échappement en titane, qui ne pèse que 4,4 kg malgré sa complexité. Revêtu d’un traitement céramique blanc, cet échappement constitue une première sur une voiture de série et rend hommage aux voitures de course historiques.
Autre particularité : contrairement à la plupart des modèles Pagani qui exhibent fièrement leur carbone apparent, la Codalunga arbore une carrosserie intégralement peinte dans une teinte semi-mate baptisée Azzuro Sardinia, un bleu profond et raffiné. Les jantes ont également été redessinées pour optimiser le refroidissement des imposants freins carbone-céramique.
Un moteur V12 biturbo de 840 chevaux : la puissance incarnée
Sous l’imposant capot arrière se cache le cœur mécanique de la Codalunga : un V12 6.0 litres biturbo développé spécifiquement pour Pagani par Mercedes-AMG. Ce moteur atmosphérique dans l’âme, dopé par deux turbocompresseurs, délivre une puissance de 840 chevaux (soit 618 kW) et un couple colossal de 1100 Nm, disponible dès 2000 tr/min jusqu’à 5600 tr/min.
Ces chiffres, déjà impressionnants sur le papier, ne racontent qu’une partie de l’histoire. La vraie magie réside dans la gestion de cette puissance et dans la manière dont elle est transmise aux roues arrières via une boîte Xtrac 7 rapports à simple embrayage et commande automatisée. Les montées en régime sont explosives, les passages de vitesse instantanés et brutaux en mode Course.
L’échappement en titane, véritable prouesse technique, ne pèse que 4,4 kg pour quatre sorties. Il génère une symphonie sonore caractéristique, mêlant le grondement grave du V12, le sifflement des turbos et les crépitements au décélérateur. Une sonorité qui évoque à la fois les voitures de course modernes et les légendes de l’endurance.
Malgré ce bloc moteur imposant et toute la mécanique associée, la Codalunga affiche un poids total de seulement 1280 kg. Pour donner une échelle de comparaison : c’est exactement le même poids qu’une Toyota GR Yaris. Un exploit rendu possible grâce à l’utilisation intensive de carbone, de titane et d’aluminium.
Aérodynamisme actif : la technologie au service de la conduite
L’une des innovations majeures introduites par la Huayra dès 2011 reste le système de volets aérodynamiques actifs, et la Codalunga pousse ce concept encore plus loin. Quatre volets à profil variable sont répartis stratégiquement sur la carrosserie, y compris à l’avant, une configuration rare dans l’univers des hypercars.
Chaque volet fonctionne de manière indépendante et réagit en temps réel aux actions du conducteur. En phase de freinage intense, les volets s’ouvrent pour augmenter la charge aérodynamique et plaquer littéralement la voiture au sol. Dans les virages rapides, ils s’ajustent pour optimiser l’équilibre et la stabilité.
Cette technologie transforme radicalement le comportement dynamique de la Codalunga. Les journalistes ayant eu la chance de conduire le prototype parlent d’une sensation étrange, presque contre-intuitive : celle de pouvoir freiner plus tard et plus fort que ce que la raison suggère, comme si la voiture repoussait les limites physiques habituelles.
Combinée à la longueur accrue de la carrosserie et à son design aérodynamique, cette gestion active de l’aérodynamisme confère à la Codalunga une efficacité redoutable sur route sinueuse comme sur circuit. C’est cette symbiose entre mécanique brute et technologie pointue qui fait toute la différence.
Intérieur : artisanat italien et modernité
Comme sur chaque création Pagani, l’habitacle de la Codalunga reflète un savoir-faire artisanal poussé à l’extrême. Les sièges sont recouverts de cuir et nubuck sur mesure, avec des motifs inspirés du monde de la haute couture. Chaque couture, chaque surpiqûre est réalisée à la main.
Les composants en aluminium du tableau de bord et de la console centrale sont usinés dans la masse, à partir d’un bloc unique. Cette technique, extrêmement chronophage et coûteuse, garantit une précision absolue et une finition irréprochable. Même le pommeau de levier de vitesses, mêlant bois et carbone en couches alternées, nécessite plusieurs jours de fabrication.
L’ambiance générale évoque l’univers aéronautique, avec des commutateurs à bascule similaires à ceux que l’on trouve dans un cockpit d’avion. Pourtant, la modernité n’est pas absente : un système Apple CarPlay est intégré, permettant de connecter son smartphone sans rompre avec l’esthétique rétro-futuriste de l’ensemble.
Détail supplémentaire qui en dit long sur le positionnement de cette voiture : chaque Codalunga est livrée avec un ensemble de bagages assortis, conçus sur mesure pour épouser parfaitement les espaces de rangement disponibles. Car oui, malgré son statut d’hypercar, la Codalunga se veut aussi utilisable au quotidien.
Un modèle vendu avant même d’exister : rareté et prix stratosphérique
La Pagani Huayra Codalunga a été produite à seulement 5 exemplaires. Pas six, pas dix. Cinq. Et les cinq ont trouvé preneur avant même que la première voiture ne sorte de l’atelier de San Cesario sul Panaro.
Le prix d’entrée ? 7 millions d’euros. Une somme vertigineuse qui place la Codalunga parmi les voitures les plus chères jamais commercialisées. Mais ce prix s’explique : chaque modèle a nécessité des centaines d’heures de travail manuel, des matériaux d’exception et une homologation complète pour une utilisation sur route dans le monde entier, y compris aux États-Unis, réputés pour leurs normes particulièrement strictes.
Cette rareté extrême fait de la Codalunga une pièce de collection instantanée. Posséder l’un de ces cinq exemplaires, c’est détenir un fragment d’histoire automobile, une œuvre d’art roulante signée par l’un des derniers constructeurs indépendants à maintenir vivante la tradition des carrossiers italiens.
La division Grandi Complicazioni, qui a piloté ce projet, continue aujourd’hui de répondre aux demandes les plus audacieuses des collectionneurs fortunés. Chaque projet est unique, pensé pour un client spécifique, dans un dialogue permanent entre créateur et commanditaire.
Et la Huayra Codalunga Speedster dans tout ça ?
En juillet 2025, Pagani a dévoilé une nouvelle déclinaison : la Huayra Codalunga Speedster. Cette version découvrable reprend l’ADN de la Codalunga coupé tout en offrant une expérience de conduite à ciel ouvert.
La Speedster conserve la silhouette allongée caractéristique, mais perd son toit fixe au profit d’un hard-top amovible avec section transparente en polycarbonate. Un arceau de sécurité redessiné relie le pare-brise à l’arrière de la voiture, créant une ligne fluide et continue.
Côté mécanique, la Speedster hérite du V12 6.0 litres biturbo, ici poussé à 852 chevaux et toujours 811 lb-ft de couple (1100 Nm). Mais la vraie nouveauté, c’est la possibilité de choisir une boîte manuelle 6 rapports, une première pour une Huayra Codalunga et seulement la deuxième fois qu’une Huayra reçoit une vraie transmission manuelle après l’Epitome en 2024.
Cette option manuelle s’adresse aux puristes, ceux qui considèrent que le contrôle total de la voiture passe nécessairement par un embrayage mécanique et un levier de vitesses traditionnel. Le volant en fibre de carbone avec jante en acajou et rivets en aluminium, la tringlerie de boîte apparente, tout rappelle l’âge d’or des voitures de sport engageantes et accessibles.
La production sera limitée à 10 exemplaires, avec des livraisons prévues à partir de 2026. Le prix n’a pas été officiellement communiqué, mais il devrait largement dépasser les 7 millions d’euros du coupé.
Codalunga vs autres Huayra : quelles différences ?
La famille Huayra compte aujourd’hui plusieurs déclinaisons, chacune avec ses spécificités. Voici comment la Codalunga se positionne par rapport aux autres versions majeures.
La Huayra Coupé (2011) reste la base de référence. Avec son V12 de 730 chevaux, elle a introduit le système de volets aérodynamiques et établi les fondations stylistiques de toute la lignée. Son poids de 1350 kg en fait une voiture déjà très légère pour sa catégorie.
La Huayra BC (2016) pousse le curseur de la performance avec un moteur porté à 800 chevaux et un allègement drastique de 132 kg grâce à l’usage intensif de carbone, titane et aluminium. Production limitée à 20 exemplaires vendus 2,35 millions d’euros pièce. Une version Roadster BC suivra en 2019.
La Huayra Roadster (2017) offre l’expérience Huayra en version découvrable, avec un toit amovible et quelques ajustements structurels pour compenser la perte de rigidité. Le V12 conserve ses 730 chevaux.
La Huayra Codalunga (2022) se distingue par sa carrosserie allongée de 360 mm, son design épuré inspiré des années 60, ses 840 chevaux et son poids contenu à 1280 kg. Production de 5 unités à 7 millions d’euros. C’est le modèle le plus exclusif et le plus cher de la famille.
La Huayra Epitome (2024) marque le retour de la boîte manuelle chez Pagani après des années d’absence. Elle embarque également un pont arrière à glissement limité et des réglages spécifiques pour privilégier le plaisir de conduite pur.
Enfin, la Codalunga Speedster (2025) combine carrosserie longue, toit amovible et option manuelle. Avec 852 chevaux, elle représente l’aboutissement technique de la lignée Huayra avant le passage définitif à l’Utopia, la nouvelle génération d’hypercars Pagani.
L’héritage d’une légende mécanique
La Pagani Huayra Codalunga incarne tout ce qui fait l’essence de la marque italienne : obsession du détail, recherche de la perfection esthétique, fusion entre art et ingénierie, exclusivité absolue. Elle ne se contente pas d’être une voiture rapide ou chère. Elle raconte une histoire, celle des prototypes de course qui ont marqué l’imaginaire collectif, celle d’un constructeur qui refuse les compromis.
Avec seulement cinq exemplaires produits et vendus avant même leur fabrication, la Codalunga est déjà entrée dans la légende. Elle ne roulera probablement jamais beaucoup. Ses propriétaires la conserveront précieusement, conscients de détenir l’une des interprétations les plus abouties de l’hypercar moderne.
Et alors que Pagani tourne désormais son regard vers l’Utopia et ses futures créations, la Codalunga restera comme le chant du cygne d’une époque : celle où les voitures pouvaient encore être dessinées à la main, construites comme des œuvres d’art et vendues à prix d’or sans que personne n’y trouve rien à redire. Parce qu’au fond, certaines choses n’ont pas de prix. Juste une valeur.

