La Pagani Zonda HH incarne l’un des chapitres les plus fascinants de l’histoire des hypercars modernes. Cette version unique du mythique roadster italien est née d’une rencontre improbable en 2010 entre un programmeur danois et Horacio Pagani lui-même. En quelques heures à peine, une simple visite touristique s’est transformée en commande d’un million d’euros pour l’une des Zonda les plus exclusives jamais produites.
Une histoire improbable : de touriste à propriétaire en une journée
L’histoire de la Zonda HH commence en juillet 2010 à Sant’Agata, en Italie. David Heinemeier Hansson, créateur du framework Ruby on Rails, effectue alors un road trip européen de trois semaines au volant d’une Lamborghini blanche. Après une visite standard de l’usine Pagani, il s’apprête à quitter la région lorsqu’un ami italien intervient.
Cet ami, proche d’Horacio Pagani, trouve inconcevable qu’un passionné visite la manufacture sans rencontrer le fondateur. Il organise donc une seconde visite le lendemain, bien plus approfondie. Au programme : découverte de l’autoclave historique qui a permis à Pagani de devenir pionnier de la fibre de carbone dans les années 1990, essais dynamiques avec le pilote d’essai Davide Testi, puis avec Horacio Pagani en personne.
C’est au cours de cette journée extraordinaire que tout bascule. Heinemeier Hansson évoque son rêve de posséder une Zonda, mais pense la production épuisée. Alberto, le directeur commercial de Pagani, mentionne alors l’existence d’un châssis déjà en cours de fabrication, abandonné par son client initial. La proposition est tentante : reprendre ce projet et concevoir une Zonda sur-mesure.
Avant la fin de la journée, les documents sont signés. La Pagani Zonda HH vient de naître, son nom reprenant les initiales de son nouveau propriétaire. Le soir même, Heinemeier Hansson assiste au lancement d’un livre consacré à Pagani. Une journée commencée en touriste s’achève en propriétaire d’hypercar.
Qui est David Heinemeier Hansson, propriétaire de la Zonda HH ?
David Heinemeier Hansson, souvent désigné par ses initiales DHH, n’est pas un collectionneur automobile traditionnel. Ce programmeur danois a révolutionné le développement web en créant Ruby on Rails en 2004, un framework utilisé par des millions de développeurs dans le monde.
Co-fondateur de 37signals (la société derrière Basecamp et HEY), il a bâti sa fortune dans le logiciel avant même d’obtenir son permis de conduire. En 2004, depuis son appartement de Copenhague, il découvre la Zonda lors d’un épisode de Top Gear présenté par Richard Hammond. Cette révélation marque le début d’une obsession qui se concrétisera six ans plus tard.
Basé à Chicago, Heinemeier Hansson incarne une nouvelle génération de collectionneurs : jeunes entrepreneurs de la tech, passionnés d’ingénierie mécanique autant que logicielle. Pour lui, la Zonda HH représente bien plus qu’une acquisition, c’est la matérialisation d’un rêve d’adolescent devenu réalité grâce au bon endroit au bon moment.
Fiche technique : le meilleur de la Cinque et de la F Roadster
La Zonda HH n’est pas une simple Zonda de série. Elle combine les éléments les plus désirables de deux versions emblématiques de la lignée.
Motorisation : le V12 AMG atmosphérique de 7.3 litres
Le cœur de la HH bat au rythme d’un moteur V12 Mercedes-AMG de 7291 cm³, directement issu de la rare Zonda Cinque. Cette mécanique atmosphérique développe entre 678 et 687 chevaux selon les sources, avec un couple maximal de 780 Nm à 4000 tr/min.
Contrairement à la Cinque équipée d’une boîte séquentielle, la HH reçoit une boîte manuelle à 6 rapports, un choix délibéré du propriétaire pour maximiser l’engagement au volant. Cette transmission envoie toute la puissance aux roues arrière, dans la plus pure tradition des supercars italiennes.
L’échappement en alliage céramique-titane ne se contente pas d’alléger l’ensemble : il produit une symphonie mécanique caractéristique des V12 atmosphériques, un son guttural qui monte en crescendo jusqu’à 8000 tr/min.
Performances et poids plume
Avec un poids annoncé de seulement 1210 kg, la Zonda HH affiche un rapport poids/puissance exceptionnel de 1,77 kg par cheval. Ce chiffre s’explique par l’utilisation intensive de composites : châssis monocoque carbone-titane, panneaux de carrosserie en fibre de carbone, et une attention maniaque portée à chaque composant.
Pagani revendique une réduction de 30% du poids par rapport à une Zonda C12 standard, un exploit rendu possible par quinze années d’évolution technique depuis le lancement de la lignée en 1999.
Les performances sont à la hauteur des attentes : 0 à 100 km/h expédié en 3,4 secondes, et une vitesse de pointe qui dépasse les 350 km/h. Mais au-delà des chiffres bruts, c’est l’équilibre dynamique qui impressionne, fruit du savoir-faire accumulé par Pagani sur plus de cinquante exemplaires de Zonda produits depuis 1999.
Les freins carbone-céramique signés Brembo assurent un freinage phénoménal, indispensable pour dompter une telle cavalerie dans un châssis aussi léger.
Design et équipements spécifiques
Visuellement, la Zonda HH reprend l’architecture de la Zonda F Roadster, mais avec des modifications subtiles inspirées de la Cinque. La carrosserie arbore une livrée bicolore bleu Monterey et carbone apparent, une combinaison choisie personnellement par Heinemeier Hansson en collaboration avec les stylistes de Pagani.
Les jantes monobloc à fixation centrale s’inspirent directement de l’univers de la Formule 1. Elles adoptent un design à rayons divisés avec lèvre polie, une signature visuelle immédiatement reconnaissable. Ces roues en alliage léger contribuent significativement à la réduction de masse non suspendue.
L’habitacle mêle cuir, alcantara et fibre de carbone apparente. Chaque détail a été personnalisé selon les souhaits du propriétaire, des surpiqûres des sièges baquets aux inserts en aluminium usiné. La planche de bord reprend les codes de l’aviation, avec une instrumentation lisible et des commandes au toucher parfait.
Contrairement aux versions coupé, le roadster offre une expérience sensorielle totale : le hurlement du V12 AMG sans filtre, le vent dans les cheveux, et une connexion directe avec la mécanique. Un toit amovible en carbone permet toutefois de rouler par temps incertain.
Ce qui rend la Zonda HH vraiment unique
Au-delà de ses spécifications techniques impressionnantes, la Zonda HH occupe une place particulière dans l’histoire Pagani pour plusieurs raisons.
Premier élément distinctif : son statut de véritable one-off. Si Pagani a produit de nombreuses déclinaisons de la Zonda entre 1999 et la fin officielle de production, la HH reste un exemplaire totalement unique, sans jumeau ni série limitée associée.
Le châssis utilisé était initialement destiné à devenir une Zonda F Roadster standard, qui aurait porté la production de cette version à 25 exemplaires comme prévu. Mais le désistement du client initial et l’arrivée fortuite d’Heinemeier Hansson ont transformé ce projet en collaboration créative avec Horacio Pagani lui-même.
La combinaison technique elle-même est rare : moteur de Cinque (limité à 5 exemplaires coupé et 5 roadster) couplé à une boîte manuelle (alors que la Cinque n’était proposée qu’avec une séquentielle), dans une carrosserie inspirée de la F mais avec des touches exclusives. Cette hybridation fait de la HH un modèle impossible à cataloguer simplement.
Enfin, le délai de production témoigne de l’engagement de Pagani : du dépôt de la commande en juillet 2010 à la livraison en novembre de la même année, soit seulement quatre mois. Cette rapidité s’explique par l’état d’avancement du châssis, mais aussi par la mobilisation totale des artisans de Sant’Agata pour concrétiser cette commande exceptionnelle.
Une hypercar impossible à importer aux États-Unis
L’histoire de la Zonda HH comporte un paradoxe singulier. Bien que son propriétaire, David Heinemeier Hansson, soit basé à Chicago, la voiture ne peut légalement circuler sur le sol américain.
La raison ? Les normes d’émissions américaines, particulièrement strictes, que le moteur V12 atmosphérique de 7,3 litres ne satisfait pas. Contrairement aux constructeurs de grande série, Pagani n’a jamais homologué la Zonda pour le marché nord-américain, la complexité et le coût du processus étant disproportionnés pour une production aussi confidentielle.
Cette situation oblige Heinemeier Hansson à conserver sa Zonda HH en Europe. Selon ses propres déclarations, la voiture reste garée sur le Vieux Continent, où il vient régulièrement la conduire lors de ses déplacements professionnels. Une contrainte que le propriétaire accepte volontiers, considérant que certains rêves valent bien quelques complications logistiques.
Cette impossibilité d’importation contribue paradoxalement à la légende de la voiture. Elle renforce son caractère exclusif et européen, tout en rappelant que les hypercars de cette trempe ne peuvent se plier aux contraintes administratives ordinaires.
La Zonda HH aujourd’hui : plus de 12 ans après sa livraison
En février 2023, David Heinemeier Hansson publiait un article personnel révélant qu’il possède toujours sa Pagani Zonda HH, quinze ans après sa commande. Plus remarquable encore : elle demeure sa voiture préférée de tous les temps, celle qu’il qualifie de « graal » et promet de ne jamais vendre.
Dans ce témoignage émouvant, le propriétaire évoque l’émerveillement intact qu’il ressent à chaque fois qu’il soulève la housse de protection, même sans démarrer le moteur. Cette passion intacte tranche avec la rotation rapide qui caractérise souvent les collections d’hypercars.
La Zonda HH a d’ailleurs joué un rôle central dans la vie personnelle de son propriétaire : elle figurait en bonne place lors de son mariage célébré au circuit Ascari en Espagne, un complexe automobile privé près de Marbella. Cette cérémonie automobile symbolise parfaitement la place qu’occupe cette machine dans l’existence d’Heinemeier Hansson.
Sur le marché des collectors, les Zonda atteignent désormais des sommets vertigineux. Les versions les plus exclusives dépassent régulièrement les 5 millions d’euros lors de ventes aux enchères. La HH, avec son histoire unique, sa provenance impeccable et son statut de one-off signé Horacio Pagani, figurerait probablement dans la fourchette haute si elle était un jour proposée à la vente.
Mais selon les déclarations de son propriétaire, ce scénario reste improbable. La Zonda HH n’est pas un investissement spéculatif ni un trophée destiné à prendre de la valeur dans un garage climatisé. C’est l’incarnation physique d’un rêve d’adolescent, un objet d’art roulant qui continue de procurer la même joie qu’au premier jour.
Une rencontre entre passion et excellence artisanale
La Pagani Zonda HH résume tout ce qui fait la magie des hypercars italiennes : l’excellence technique poussée à son paroxysme, un design sans compromis, et surtout une histoire humaine qui transcende le simple objet mécanique.
Cette voiture prouve qu’en 2010, alors que la production de Zonda touchait théoriquement à sa fin, Horacio Pagani et son équipe conservaient intact leur désir de répondre aux rêves des passionnés. Le châssis abandonné s’est transformé en œuvre d’art roulante, fruit d’une collaboration directe entre le créateur et son client.
Quinze ans après sa conception, la Zonda HH continue de circuler sur les routes européennes, pilotée par son propriétaire d’origine. Un parcours exceptionnel dans l’univers des hypercars, où la revente rapide est souvent la norme. Cette fidélité témoigne de la réussite du pari initial : créer non pas une simple automobile performante, mais un objet émotionnel capable de procurer un émerveillement durable.
Dans l’histoire de Pagani, la Zonda HH occupe une place à part. Elle incarne la philosophie du constructeur de Sant’Agata : fabriquer des voitures en très petites séries, toujours avec l’obsession du détail, et privilégier la relation humaine entre créateur et propriétaire. Une approche artisanale qui explique pourquoi, aujourd’hui encore, chaque Pagani raconte une histoire unique.

