Pagani Zonda Cinque Coupé : 678 ch et 5 exemplaires

Présentée au Salon de Genève en mars 2009, la Pagani Zonda Cinque Coupé incarne la version route la plus extrême jamais conçue par le constructeur italien. Produite à seulement cinq exemplaires, elle établit un pont audacieux entre la Zonda F et la redoutable Zonda R réservée à la piste. Avec son châssis inédit en carbo-titanium et ses 678 chevaux, cette italienne ultra-exclusive marque un sommet dans l’histoire de la marque de Modène.

Naissance d’une légende à 5 exemplaires

Une commande venue de Hong Kong

L’histoire de la Cinque Coupé débute en 2008 par une demande inhabituelle. SPS Automotive Performance, le distributeur Pagani pour Hong Kong, sollicite Horacio Pagani pour un projet ambitieux : créer une version homologuée route de la Zonda R, ce monstre de piste jugé trop radical pour circuler légalement.

La clientèle asiatique ultra-fortunée réclame une Zonda encore plus radicale que la F, capable d’offrir des sensations de circuit tout en restant utilisable sur route ouverte. Pagani accepte le défi et se lance dans la conception d’une série limitée qui portera le nom de Cinque, en référence aux cinq exemplaires prévus.

La dernière Zonda… avant les autres

En mars 2009, Horacio Pagani dévoile la Cinque Coupé au Salon de Genève en annonçant qu’il s’agit de la dernière évolution de la lignée Zonda. Le constructeur italien prépare alors l’arrivée de la Huayra, son nouveau modèle destiné à remplacer la Zonda vieillissante.

Mais l’histoire en décidera autrement. En juillet 2009, Pagani annonce une Cinque Roadster. Puis viendront la Tricolore en 2010, suivie d’une kyrielle de versions spéciales et de one-off sur mesure qui prolongeront la carrière de la Zonda jusqu’en 2019. La Cinque n’était finalement pas un point final, mais le début d’une nouvelle ère pour ce modèle culte.

Le carbo-titanium : la révolution silencieuse de Pagani

Un matériau inédit dans l’automobile

La vraie révolution de la Cinque Coupé se cache dans sa structure. Pour la première fois dans l’histoire automobile, Pagani utilise un matériau baptisé carbo-titanium pour fabriquer la monocoque. Cette innovation consiste à tisser des filaments de titane directement dans les fibres de carbone lors du processus de fabrication.

Le résultat est spectaculaire : le châssis gagne 40% de rigidité par rapport à celui de la Zonda F, sans aucune prise de poids. Le titane, avec son rapport résistance/poids exceptionnel, apporte une solidité inégalée tout en conservant la légèreté du carbone. À l’œil nu, le carbo-titanium se distingue par ses filaments argentés qui parcourent le tissage noir de la fibre de carbone, créant un effet visuel fascinant.

Une structure héritée de la Zonda R

Le châssis de la Cinque reprend l’empattement de 2 730 mm des autres Zonda, mais tout le reste a été repensé. Les sous-châssis avant et arrière en acier chrome-molybdène ont été affinés pour gagner quelques grammes supplémentaires. Le premier supporte la suspension, la direction assistée et les systèmes auxiliaires, tout en restant déformable en cas d’impact frontal. Le second accueille le moteur, la boîte et la suspension arrière.

Les éléments de suspension font également un usage intensif du magnésium et du titane. Les amortisseurs Öhlins ont été développés spécifiquement pour ce modèle, avec des ressorts en titane et une géométrie anti-plongée à l’avant, anti-cabrage à l’arrière. Malgré cette radicalité technique, la Cinque Coupé conserve un poids de 1 210 kg, identique à celui de la Zonda F en configuration Club Sport.

Performances et mécanique : la puissance maîtrisée

Le V12 Mercedes-AMG 7.3 litres poussé à 678 ch

Sous le capot arrière bat le cœur de toutes les Zonda : le mythique V12 Mercedes-AMG M120 de 7,3 litres. Mais pour la Cinque, les ingénieurs de Pagani et AMG ont poussé le bloc encore plus loin. La puissance grimpe de 641 chevaux (version F Club Sport) à 678 chevaux à 6 200 tr/min. Le couple reste ancré à 780 Nm à 4 000 tr/min.

Cette progression s’explique par plusieurs modifications précises. Les culasses ont été retravaillées pour améliorer le flux d’admission et d’échappement. Des arbres à cames plus sportifs ont été installés. La cartographie Bosch a été entièrement recalibrée. Les collecteurs d’échappement, fabriqués en Inconel (un superalliage utilisé en Formule 1), mesurent seulement 0,7 mm d’épaisseur au lieu d’1 mm pour l’acier inoxydable standard.

Le système d’admission a également évolué. Les tubulures sont plus larges et le plenum en aluminium hydro-formé voit son épaisseur réduite à 1 mm. Chaque détail compte pour libérer quelques chevaux supplémentaires sans compromettre la fiabilité.

La boîte séquentielle robotisée Cima

L’une des évolutions majeures de la Cinque concerne la transmission. Fini la boîte manuelle à six rapports qui équipait les Zonda précédentes. Pagani installe ici une boîte séquentielle robotisée à six rapports, fournie par Cima et automatisée par Automac Engineering.

Cette transmission propose trois modes de conduite sélectionnables via un interrupteur sur la console centrale. Le mode Comfort privilégie la douceur, le mode Sport accélère les passages de rapports, et le mode Race déchaîne la mécanique avec des changements de vitesse exécutés en moins de 100 millisecondes. Dans ce dernier mode, le contrôle de traction se désactive automatiquement pour laisser le pilote maître de la puissance.

Les palettes au volant permettent de gérer les rapports manuellement, tandis qu’un levier conventionnel sur le tunnel central offre une alternative : vers l’avant pour rétrograder, vers l’arrière pour monter les vitesses.

0 à 100 km/h en 3,4 secondes, 349 km/h en pointe

Sur le papier, les performances de la Cinque Coupé restent identiques à celles de la Zonda F Club Sport. Le 0 à 100 km/h est abattu en 3,4 secondes, tandis que la vitesse maximale atteint 349 km/h (217 mph). Ces chiffres, déjà impressionnants en 2009, placent la Cinque au niveau des supercars les plus véloces de l’époque.

Mais les données brutes ne racontent qu’une partie de l’histoire. Grâce à son poids contenu, son châssis ultra-rigide et son aérodynamique drastiquement améliorée, la Cinque offre des sensations de conduite bien supérieures à la F. Les premiers essais réalisés dans les collines d’Émilie-Romagne ont révélé une voiture capable d’absorber les imperfections de la route tout en délivrant une précision chirurgicale en virage.

Aérodynamique extrême : 750 kg d’appui à 300 km/h

Des appendices inspirés de la Zonda R

L’apparence de la Cinque Coupé témoigne d’un travail aérodynamique poussé. À l’avant, le pare-chocs intègre une lèvre plus large et légèrement reprofilée qui génère un appui supplémentaire. Aux angles du bouclier, deux canards latéraux dirigent les flux d’air. Juste derrière les rétroviseurs, quatre extracteurs d’air composés de lamelles transversales en carbone évacuent l’air emprisonné dans les passages de roues avant.

Les flancs révèlent des jupes latérales redessinées qui canalisent l’air le long du bas de caisse. De nouvelles prises d’air à l’avant et à l’arrière alimentent le système de freinage, tandis que des snorkels de freinage au-dessus des ailes arrière apportent un refroidissement supplémentaire aux disques postérieurs.

La prise d’air sur le toit : signature du Coupé

L’élément le plus caractéristique de la Cinque Coupé reste son snorkel d’admission monté sur le toit. Cette prise d’air proéminente, absente sur la version Roadster, alimente directement le V12 en air frais. Sa forme arquée et sa position surélevée lui confèrent un look radical qui ne laisse aucun doute sur le caractère extrême de la voiture.

Ce snorkel n’est pas qu’esthétique. Il améliore réellement les performances du moteur en captant l’air en surpression créé par le déplacement du véhicule à haute vitesse. Sur la Cinque Roadster, cette prise sera raccourcie et repositionnée pour s’adapter à l’absence de toit.

Diffuseur arrière massif et aileron ajustable

À l’arrière, Pagani a installé un diffuseur démesuré qui aspire littéralement la voiture vers le sol. Combiné à un fond plat optimisé, ce diffuseur travaille de concert avec un aileron arrière ajustable manuellement pour maximiser l’appui sans pénaliser la vitesse de pointe.

Le résultat de ces efforts aérodynamiques est spectaculaire : la Cinque Coupé génère 750 kg d’appui à 300 km/h. Dans les virages rapides, elle peut encaisser des accélérations latérales allant jusqu’à 1,45 g. Ces chiffres placent la Cinque au niveau d’une voiture de course GT, tout en conservant son homologation pour la route.

Design et finitions : le raffinement à l’état pur

Carrosserie bicolore en carbone apparent

La livrée standard de la Cinque Coupé privilégie le carbone apparent bicolore, avec une bande centrale contrastée qui parcourt toute la longueur de la voiture. Sur les cinq exemplaires produits, trois arborent une combinaison blanc et noir avec une ligne rouge centrale. Le quatrième est peint en orange, tandis que le cinquième affiche une teinte Verde Ithaca (vert) empruntée à Lamborghini.

Ce dernier exemplaire vert possède un statut particulier : il s’agit de la première Pagani jamais livrée dans cette couleur. C’est également le seul des cinq Coupé à être resté dans sa configuration d’origine, sans modification ultérieure par son propriétaire.

La carrosserie est fabriquée en aussi peu de sections que possible pour maximiser la rigidité. Chaque panneau est moulé en carbone-titanium, créant cette texture argentée unique qui miroite sous certains angles de lumière.

Des roues monobloc forgées en alu-magnésium

Les jantes de la Cinque Coupé sont de véritables œuvres d’art technique. Forgées d’une seule pièce en alliage aluminium-magnésium par APP, elles mesurent 19 pouces à l’avant et 20 pouces à l’arrière. Leur design monobloc réduit le poids non suspendu, améliorant ainsi la réactivité de la suspension.

Contrairement aux autres Zonda qui utilisent cinq boulons, la Cinque adopte une fixation centrale en titane, directement inspirée de la compétition. Cette solution simplifie les changements de roues et renforce la rigidité de l’ensemble. Les pneus Pirelli P Zero ont été développés spécifiquement pour ce modèle : 255/35 R19 à l’avant, 335/30 R20 à l’arrière.

Habitacle racing en carbone et Alcantara

L’intérieur de la Cinque rompt avec le luxe traditionnel des Zonda. Le cuir, le bois et l’aluminium naturel laissent place à un environnement racing fait de carbone exposé, de peinture noir brillant et d’Alcantara.

Les sièges baquets Toora en carbone offrent un maintien digne d’une monoplace, avec des renforts latéraux en cuir et des centres en Alcantara. Le volant, entièrement en carbone avec une jante gainée d’Alcantara, ne dispose d’aucun airbag. À la place, on trouve les commandes des modes moteur et les palettes de changement de vitesses de style F1.

Le tunnel central est laissé en carbone brut et accueille le levier de la boîte séquentielle, le bouton de démarrage moteur, l’interrupteur des modes de conduite et un frein à main simplifié. La planche de bord conserve une instrumentation analogique logée dans un binnacle ovale noir brillant : deux grands cadrans pour la vitesse et le régime moteur, flanqués d’une jauge de carburant et d’un thermomètre d’eau. Un écran numérique en partie basse affiche les informations complémentaires.

Malgré cette ambiance compétition, Pagani n’a pas sacrifié le confort minimal : climatisation, vitres et rétroviseurs électriques, système audio haut de gamme et deux valises sur mesure qui se logent dans des coffres en carbone apparent à l’avant des roues arrières sont de série. Une plaque numérotée fixée sur la bande Alcantara au-dessus de la boîte à gants rappelle le caractère unique de chaque exemplaire.

Cinque Coupé vs Cinque Roadster : quelles différences ?

Si Pagani a produit cinq exemplaires de chaque version, Coupé et Roadster présentent quelques distinctions notables. Le Coupé, dévoilé en mars 2009, se distingue par son snorkel d’admission surélevé qui traverse le toit. Cette configuration offre la rigidité maximale du châssis carbo-titanium.

Le Roadster, présenté un an plus tard en mars 2010, hérite d’un snorkel raccourci repositionné différemment. Pour compenser l’absence de toit, Pagani a renforcé la cloison coupe-feu, consolidé le pare-brise et ajouté des renforts en aluminium usiné qui relient les points où les montants de toit auraient normalement été fixés. Le toit amovible se range dans le coffre avant.

Contre toute attente, le poids et les performances restent identiques entre les deux versions : 1 210 kg sur la balance, 3,4 secondes de 0 à 100 km/h et 349 km/h en vitesse maximale. Cette prouesse technique témoigne de l’excellence du travail réalisé sur le châssis de base. Quant au tarif, il était également uniforme : 1,3 million d’euros hors taxes pour les deux configurations.

Rareté et valorisation : un investissement de collectionneur

Prix neuf et statut actuel

Lors de son lancement en 2009, la Cinque Coupé était affichée à 1,3 million d’euros hors taxes, soit environ 1,8 million TTC. Un tarif stratosphérique pour l’époque, qui plaçait ce modèle au sommet du marché de la supercar. Tous les exemplaires ont été vendus avant même que le premier ne sorte de l’atelier de Modène, témoignant de l’appétit des collectionneurs pour les créations ultra-limitées de Pagani.

Seize ans plus tard, la valorisation de la Cinque Coupé a explosé. Selon les estimations des spécialistes du marché des supercars de collection, un exemplaire en état d’origine avec un kilométrage raisonnable se négocie désormais entre 3 et 5 millions d’euros. Les rares transactions observées montrent que le statut de collectionneur prime : historique complet, provenance traçable et absence de modifications sont des critères déterminants pour atteindre les sommets de la fourchette.

Les 5 Cinque Coupé : où sont-elles aujourd’hui ?

Les cinq Cinque Coupé se répartissent aujourd’hui dans des collections privées prestigieuses à travers le monde. Trois exemplaires arborent la livrée blanche et noire avec ligne rouge centrale, initialement destinés au marché asiatique via SPS Automotive Performance. L’un d’eux serait resté à Hong Kong dans la collection de son premier propriétaire.

L’exemplaire orange a rapidement rejoint une collection du Moyen-Orient, tandis que le Coupé vert (Verde Ithaca) détient un statut particulier. Premier et unique Pagani livré dans cette teinte à l’époque, il est également le seul des cinq à n’avoir subi aucune modification depuis sa sortie d’usine. Son propriétaire européen, dont l’identité reste confidentielle, le considère comme une pièce de musée roulante.

Outre les cinq exemplaires clients, Pagani a conservé le prototype utilisé pour les développements et les essais. Ce sixième véhicule, souvent oublié dans les décomptes officiels, demeure la propriété de la marque italienne. Au total, avec les cinq Roadster et leur propre prototype, douze Zonda Cinque ont vu le jour.

La Cinque dans la galaxie Zonda

Pour comprendre le positionnement de la Cinque Coupé, il faut replacer ce modèle dans la chronologie Zonda. Tout commence en 1999 avec la Zonda C12, première création de Pagani équipée d’un V12 Mercedes de 6 litres développant 400 chevaux. Cette base évoluera rapidement.

En 2002, la Zonda S fait grimper la puissance à 550 chevaux grâce à un moteur porté à 7 litres. Puis vient en 2005 la Zonda F, dédiée à Juan Manuel Fangio, qui établit une nouvelle référence avec 602 chevaux (641 en version Club Sport). La F bénéficie d’un travail aérodynamique conséquent et pose les bases de toutes les Zonda ultérieures.

La Zonda Cinque de 2009 représente le sommet absolu de la gamme homologuée route, avec ses 678 chevaux, son châssis carbo-titanium et son aérodynamique extrême. Elle cohabite avec la Zonda R, modèle piste de 750 chevaux non homologué pour la circulation, présenté la même année.

Après la Cinque, Pagani lancera une série de versions spéciales et de one-off sur mesure : la Tricolore en 2010 (3 exemplaires), les multiples déclinaisons 760 (760 RS, 760 LH, 760 KAQ…), et une myriade de modèles uniques culminant avec la HP Barchetta en 2017, cadeau d’Horacio Pagani à lui-même pour ses 60 ans. La production de Zonda ne cessera réellement qu’en 2019, dix ans après que la Cinque ait été annoncée comme « la dernière ».

Une supercar entre art et ingénierie

La Pagani Zonda Cinque Coupé incarne parfaitement la philosophie d’Horacio Pagani, qui a toujours refusé de choisir entre beauté et performance. Avec ses cinq exemplaires produits, son châssis révolutionnaire en carbo-titanium et sa mécanique portée à l’extrême, elle représente l’un des sommets atteints par la marque italienne. Ce qui devait être le chant du cygne de la Zonda est finalement devenu le point de départ d’une décennie de versions spéciales toujours plus exclusives, prouvant que certaines légendes refusent de s’éteindre.

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