Pagani Zonda C12 S 7.3 : le V12 italien de 555 chevaux

En 2002, au Salon de Genève, Pagani dévoilait la Zonda C12 S 7.3, une évolution majeure de sa supercar phare. Sous le capot, un V12 Mercedes-AMG de 7291 cm³ développant 555 chevaux. Au total, seulement 30 exemplaires ont vu le jour, faisant de cette italienne l’une des rivales les plus exclusives de la Ferrari Enzo et de la Porsche Carrera GT. Retour sur une machine qui a marqué son époque.

Une évolution logique pour rester au sommet

De la C12 à la S 7.3, une montée en puissance progressive

L’histoire de la Zonda S 7.3 commence avec la Zonda C12 originale, dévoilée en 1999 avec un moteur 6.0 litres développant 408 chevaux. Un an plus tard, Pagani franchit un cap avec la Zonda S 7.0, portant la cylindrée à 7010 cm³ et la puissance à 550 chevaux. Mais Horacio Pagani, ancien ingénieur chez Lamborghini et fondateur de la marque, ne s’arrête pas là.

En mars 2002, la Zonda S 7.3 fait son apparition. Fidèle à sa philosophie d’amélioration continue, Pagani propose même aux propriétaires de Zonda existantes de faire évoluer leur voiture en usine à Modena. Une approche rare dans l’univers des supercars, où l’obsolescence programmée est souvent la règle.

À cette époque, la concurrence s’intensifie. Ferrari prépare l’Enzo, Porsche met la dernière main à la Carrera GT. Pagani doit frapper fort pour rester dans la course.

Que change vraiment le passage à 7,3 litres ?

Le passage de 7.0 à 7.3 litres peut sembler anecdotique sur le papier. Pourtant, cette évolution apporte des bénéfices concrets. La cylindrée grimpe de 7010 à 7291 cm³, soit 281 cm³ supplémentaires obtenus en élargissant l’alésage de 89,7 à 91,5 mm. La course reste identique à 92,4 mm, préservant la réactivité du moteur.

Le gain de puissance est modeste : on passe de 550 à 555 chevaux à 5900 tr/min. Mais l’intérêt réside ailleurs. Le couple maximal de 553 lb-ft (750 Nm) est désormais disponible dès 4050 tr/min, contre 4100 tr/min auparavant. En clair, la Zonda répond plus franchement à bas régime, rendant la conduite plus accessible au quotidien.

Autre nouveauté majeure : l’arrivée de l’ABS et du contrôle de traction. Une première pour une Zonda, et un ajout indispensable pour gérer les 555 chevaux envoyés aux seules roues arrières sur une voiture de 1250 kg.

Un V12 AMG monumental au cœur de la bête

Le moteur M120 7.3 AMG en détail

Le cœur de la Zonda S 7.3, c’est le moteur M120 7.3 AMG, un bloc légendaire déjà utilisé dans la rarissime Mercedes SL 73 AMG de 1995. Ce V12 à 60° d’architecture classique adopte une lubrification par carter humide, un bloc et des culasses en aluminium, ainsi qu’un double arbre à cames en tête avec quatre soupapes par cylindre.

Pour cette application chez Pagani, AMG installe de nouvelles bielles en titane et révise le système d’admission. Le taux de compression reste à 10.0:1, un compromis entre performances et fiabilité. La gestion moteur est confiée à un système Bosch Motronic, assurant l’injection et l’allumage avec précision.

Ces moteurs arrivent d’Allemagne déjà assemblés. Pagani les installe sans modification supplémentaire, preuve de la confiance accordée au savoir-faire AMG. Fiabilité allemande, châssis italien : le meilleur des deux mondes.

Transmission et contrôle de la puissance

La puissance transite par une boîte manuelle 6 rapports conçue par Pagani, couplée à un embrayage bi-disque AP Racing capable d’encaisser le couple monstrueux du V12. Un différentiel autobloquant répartit intelligemment la motricité entre les roues arrière.

Mais la vraie nouveauté, c’est l’arrivée du contrôle de traction. Jusqu’alors, les Zonda s’en passaient, laissant au pilote le soin de gérer la cavalerie. Avec 750 Nm de couple, Pagani n’a plus le choix : l’électronique devient un allié indispensable pour éviter les sorties de route embarrassantes.

Châssis et comportement : légèreté et précision

Une cellule en carbone ultra-rigide

Tout part d’une monocoque en composite ultra-rigide, avec un empattement généreux de 2730 mm garantissant un habitacle spacieux pour une supercar. Aux extrémités, des sous-cadres en acier chrome-molybdène supportent les trains roulants et la mécanique. Celui à l’avant est déformable en cas d’impact frontal, une attention rare à l’époque.

Résultat : un poids contenu à 1250 kg à sec pour le coupé. Un chiffre remarquable qui place la Zonda dans la catégorie des poids plumes, face à des rivales souvent plus lourdes de 200 à 300 kg.

Suspension et freinage sans compromis

La suspension adopte une architecture classique à double triangulation avec ressorts hélicoïdaux et amortisseurs hydrauliques. Des barres antiroulis équipent les deux trains, tandis qu’une géométrie anti-plongée et anti-cabrage assure la stabilité en freinage et à l’accélération.

Petite touche high-tech : la hauteur de caisse est réglable électroniquement depuis le cockpit. Pratique pour franchir un dos-d’âne ou optimiser l’aérodynamique sur circuit.

Côté freinage, Pagani fait confiance à Brembo. Les disques ventilés mesurent 355 mm à l’avant et 335 mm à l’arrière, mordus par des étriers quatre pistons. Avec l’ABS fraîchement ajouté, les arrêts d’urgence deviennent plus prévisibles.

Les jantes OZ Racing de 18 pouces (9,5 pouces à l’avant, 13 pouces à l’arrière) chaussent des Michelin Pilot Sport en 255/40 devant et 345/35 derrière. De quoi transmettre toute la puissance au bitume.

Design et finitions : l’artisanat italien au service de la performance

Carrosserie en fibre de carbone apparente

Visuellement, la Zonda S 7.3 reste fidèle à la version 7.0 litres qui l’a précédée. Les panneaux de carrosserie sont fabriqués en fibre de carbone dans le moins de sections possible. Les capots avant et arrière, d’un seul tenant, s’ouvrent grâce à des sangles en cuir traditionnelles, un clin d’œil aux voitures de sport anciennes.

À l’avant, quatre phares (deux par côté) logent dans des coques en carbone apparent. Un aileron de nez prononcé améliore l’appui, tandis que deux prises d’air rectangulaires alimentent les radiateurs. Les portes s’ouvrent de manière conventionnelle, pas de système à ciseaux ou papillon ici.

À l’arrière, le spectacle continue. Des ailerons jumeaux encadrent le tunnel central, les sorties d’échappement quadruples trônent au centre d’une grille ajourée. Partout, des ouïes et des extracteurs sculptent la carrosserie. Certains clients choisissent le carbone apparent intégral, d’autres préfèrent une peinture sur mesure. Chez Pagani, tout est possible.

Habitacle : luxe sur-mesure et ergonomie racée

L’intérieur combine luxe et fonctionnalité. Le tableau de bord arbore une instrumentation ovale en aluminium naturel, avec deux gros cadrans pour la vitesse et le régime moteur. À gauche, une jauge d’essence. À droite, la température d’eau et une ribambelle de témoins lumineux. Un écran digital au bas du compteur affiche les infos complémentaires.

Les matériaux respirent la qualité : cuir, alcantara perforé, aluminium poli pour les pédales ouvragées comme des œuvres d’art. L’équipement comprend la climatisation, les vitres et rétroviseurs électriques, une chaîne hi-fi haut de gamme.

Détail charmant : deux valises en cuir assorties trouvent leur place dans les coffres latéraux en carbone apparent, situés juste devant les roues arrière. Et comme chaque Zonda est construite à la main, les possibilités de personnalisation sont quasi infinies. Couleur des surpiqûres, type de cuir, zones en carbone apparent : le client décide de tout.

Performances et exclusivité : une supercar au sommet

Des chiffres qui impressionnent encore aujourd’hui

Sur le papier, la Zonda S 7.3 affiche un 0 à 100 km/h en 3,7 secondes et une vitesse de pointe de 340 km/h. Des performances qui, même aujourd’hui, restent impressionnantes. Mais le chiffre le plus parlant, c’est celui du Nürburgring : peu après son lancement, une Zonda S 7.3 boucle la Nordschleife en 7 minutes 44 secondes, un record pour une voiture de série à l’époque.

Ce temps démontre que la Zonda n’est pas qu’une belle gueule. Elle se comporte avec une précision chirurgicale sur circuit, grâce à son poids plume, sa répartition des masses et son V12 idéalement placé en position centrale arrière.

Coupé et Roadster : deux interprétations d’une même philosophie

En mars 2003, un an après le coupé, Pagani présente la Zonda S 7.3 Roadster au Salon de Genève. Le projet d’une version découvrable était en réalité dans les cartons depuis 1999, et aurait même reçu son homologation en même temps que le coupé.

Pour passer à l’air libre, la cellule reçoit des renforts au niveau du pare-feu et des entretoises reliant les points d’ancrage du toit. Le pare-brise est également renforcé pour des raisons de sécurité. Résultat : la rigidité structurelle reste identique au coupé, sans ajout massif de poids.

Le toit amovible se compose d’une partie rigide en carbone au-dessus de l’habitacle, prolongée par une section en toile à l’arrière. Pour l’enlever, il suffit de défaire quelques pressions, actionner un levier entre les pare-soleil et deux autres au niveau des montants de portes. Une fois retiré, le toit se range dans un compartiment sous le capot avant.

Contrairement à certaines supercars décapotables où le toit est une option de secours, celui de la Zonda est solide et bien pensé. Le poids grimpe de 30 kg (1280 kg au total), mais les performances restent identiques : 3,7 secondes pour le 0-100 km/h et 340 km/h en pointe.

Avec le Roadster, Pagani propose aussi des jantes de 19 pouces en option, pour ceux qui veulent encore plus de présence.

Rareté et héritage

La production totale de la Zonda S 7.3 s’est limitée à 30 exemplaires : 18 coupés et 12 roadsters. Une rareté qui en fait l’une des Zonda les plus exclusives, bien avant les versions ultérieures comme la F, la Cinque ou la HP Barchetta.

Ce qui rend la Zonda S 7.3 encore plus spéciale, c’est le programme d’upgrade proposé par Pagani. Les propriétaires de Zonda C12 ou S 7.0 pouvaient ramener leur voiture à Modena pour la faire évoluer en 7.3, avec installation de l’ABS, du contrôle de traction et du nouveau moteur. Une démarche inédite, prouvant que Pagani ne considère pas ses clients comme de simples acheteurs, mais comme des partenaires.

En 2005, la Zonda S 7.3 cède la place à la Zonda F, encore plus radicale avec 602 chevaux (650 en version Clubsport). Mais la 7.3 reste une étape charnière, celle qui a permis à Pagani de s’imposer durablement face aux géants italiens et allemands.

Face à la concurrence : où se situe la Zonda S 7.3 ?

Un duel au sommet avec Ferrari et Porsche

En 2002-2003, le marché des supercars connaît une effervescence inédite. La Ferrari Enzo débarque avec 660 chevaux, une boîte robotisée ultra-rapide et une aérodynamique de Formule 1. La Porsche Carrera GT, de son côté, mise sur un V10 atmosphérique de 612 chevaux et une boîte manuelle six rapports, dans une approche plus puriste.

Face à ces monstres, la Zonda S 7.3 joue une carte différente. Moins puissante que l’Enzo, elle compense par sa légèreté (300 kg de moins), sa qualité de fabrication (le carbone Pagani fait référence) et sa personnalisation poussée. Chaque détail peut être adapté aux goûts du client, là où Ferrari et Porsche imposent leurs choix.

Côté tarif, la Zonda affichait environ 350 000 dollars à l’époque, un montant certes élevé mais « raisonnable » comparé aux 650 000 dollars de l’Enzo. Et contrairement à Ferrari, Pagani ne sélectionnait pas ses clients selon leur historique d’achat. Vous aviez les moyens et l’envie ? La voiture était à vous.

En termes de performances pures, l’Enzo dominait sur circuit grâce à son électronique avancée et son aérodynamique active. La Carrera GT brillait par son équilibre et sa boîte manuelle sublime. La Zonda S 7.3, elle, séduisait par son caractère artisanal, son V12 AMG fiable et sa ligne sculptée à la main.

Faut-il encore s’intéresser à la Zonda S 7.3 aujourd’hui ?

Une icône qui prend de la valeur

Avec seulement 30 exemplaires produits, la Zonda S 7.3 est devenue une pièce de collection très recherchée. Les rares exemplaires qui changent de mains se vendent bien au-delà de leur prix d’origine, souvent dans une fourchette de 1,5 à 2 millions de dollars selon l’état et l’historique.

L’entretien représente un défi. Le moteur AMG, réputé pour sa fiabilité, ne pose généralement pas de souci majeur. Mais les pièces spécifiques Pagani sont rares et coûteuses. Trouver un atelier capable d’intervenir sur une Zonda demande du temps et un budget conséquent. Pagani propose toujours un suivi en usine, mais chaque intervention nécessite un transport vers Modena.

Pour un collectionneur hésitant entre plusieurs Zonda, la S 7.3 représente une alternative intéressante à la Zonda F (plus chère, plus performante mais aussi plus radicale) ou aux versions ultérieures comme la Cinque ou la Tricolore, produites en quantités encore plus limitées mais à des tarifs stratosphériques.

Pourquoi cette Zonda reste une référence

La Zonda S 7.3 incarne la dernière génération de supercars « analogiques », avant que l’électronique n’envahisse tous les aspects de la conduite. Boîte manuelle à six rapports, V12 atmosphérique, absence de système sophistiqué d’aide à la conduite : tout repose sur le talent du pilote.

Elle témoigne aussi d’une époque où un artisan indépendant pouvait défier Ferrari, Porsche et Lamborghini avec son premier modèle. Horacio Pagani n’avait pas de département course, pas de budget R&D pharaonique, pas de réseau de distribution mondial. Juste une vision, un savoir-faire en carbone et une obsession du détail.

Chaque Zonda S 7.3 raconte une histoire. Celle d’un homme qui a osé créer la supercar de ses rêves, en y mettant autant d’art que d’ingénierie. Une philosophie qui transparaît dans chaque courbe de la carrosserie, dans chaque surpiqûre de cuir, dans chaque rugissement du V12.

Pour un passionné, posséder l’une des 30 Zonda S 7.3, c’est détenir bien plus qu’une voiture rapide. C’est posséder un morceau de l’histoire automobile moderne, un témoin d’une époque où l’audace et le talent pouvaient encore renverser l’ordre établi. Et ça, aucun chrono sur circuit ne peut le mesurer.

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